A la recherche du geste parfait : la patate connectée
En décembre dernier, nous avons officiellement lancé notre offre ReSport dédiée à la sportech, dans un contexte où notre engagement envers le sport était déjà bien établi : sponsoring de Rénelle Lamote, partenariat avec le Pôle Haute Performance du Levallois Sporting Club, intervention à l’AWS Sports Day. Un terreau fertile, donc, pour continuer de semer les petites graines de nos futurs projets. Dès lors, lorsque l’opportunité d’intégrer l’Innovation Corner dédié à la sportech à l’AWS Summit Paris nous a été offerte, nous avons imaginé un prototype fait par et pour les athlètes. Ainsi, la patate connectée était née.
Qu’est ce que la patate connectée
La patate connectée est un punching ball conçu pour offrir une expérience interactive. Le concept central repose sur 2 piliers : l’amélioration continue de la technique de garde et de la puissance de frappe. Avant que le participant frappe le sac, une caméra filme le boxeur pour lui indiquer quelle est sa posture de garde et à quel point elle est qualitative ou non. Petit bonus : chaque garde détectée est assimilée à une technique bien précise, ainsi qu’au nom d’un boxeur célèbre pour avoir été ou pour être un fervent utilisateur de cette dernière.
L’expérience intègre un élément de compétition grâce à un tableau de classement qui met en avant les scores les plus élevés. Cela ajoute un aspect ludique et compétitif à l’expérience, encourageant les participants à se dépasser et à réitérer pour améliorer leurs performances.
Computer vision, IoT, Dataviz : le triptyque gagnant
Comment le computer vision permet d’améliorer sa technique ?
Pour mesurer la qualité technique, nous nous sommes appuyés sur la vision par ordinateur, notamment grâce à la reconnaissance de 17 points clés sur le corps humain, comme les coudes, les poignets, les yeux, etc.
Nous avons réalisé notre bench avec Kevin Lele Sadjo, triple champion d’Europe de boxe et Méghane Amouri, double championne du monde de savate boxe française. Comprenez, il ne s’agit pas ici, de calquer une posture sur notre bench mais plutôt de calculer les ratios entre chaque point du corps. Par exemple, si notre modèle calcul que mes poings sont positionnés trop bas par rapport à mes yeux, cela impactera le score de ma technique.
Le but de cette démarche est de donner au coach des éléments complémentaires à sa vision déjà bien affûtée. Il pourra ensuite ajuster l’entraînement de manière très personnalisée s’il constate des faiblesses récurrentes. Cette approche aide à atteindre une précision et une efficacité accrues.
Un sac, 17 points, 4 gardes.
Initialement, nous avions envisagé de partir sur un type de défense relativement commun pour analyser la pose de garde d’un athlète, en la comparant à ce que nous considérions comme une posture défensive optimale. Nous sommes donc partis du principe que tout le monde adopterait le même type de garde, à savoir les mains devant le visage, juste sous les yeux.
Toutefois, lors de tests effectués avec des « cobayes » de Devoteam, nous nous sommes rapidement rendu compte que certains ne suivaient pas du tout ce modèle. Cette observation a mis en lumière une lacune majeure de notre approche : n’étant pas des boxeurs nous-mêmes, nous avions négligé l’existence de techniques alternatives qui pouvaient être tout aussi efficaces. Notre référence initiale était donc biaisée par nos préjugés.
Conscient de cette erreur, nous avons fait appel à Kévin Lele Sadjo pour remédier à cette situation. Sa connaissance approfondie du domaine nous a permis de comprendre et d’incorporer les quatre types de gardes les plus courants en boxe, chacune adaptée à différents styles et situations de combat. Cette diversité nous a aidés à recalibrer notre modèle pour qu’il reflète mieux la réalité du sport et réponde de manière plus précise aux besoins des athlètes, quel que soit leur style de défense. Grâce à cette collaboration, notre projet a gagné en authenticité et en précision, offrant une analyse beaucoup plus nuancée et inclusive des différentes techniques de garde. A titre d’exemple, voila les gardes que nous avons gardés dans notre modèle de reconnaissance.
Garde haute (High Guard)
Les mains sont élevées pour protéger le visage, avec les gants à hauteur des sourcils ou plus haut, et les coudes serrés contre le corps pour protéger les côtes et l’abdomen. Cette garde est très efficace pour bloquer les coups dirigés vers la tête et le haut du corps.
Garde basse (Low Guard)
Les mains sont tenues plus bas, souvent à hauteur de la poitrine, permettant une meilleure mobilité et facilité à lancer des contre-attaques. Cette garde peut être risquée car elle laisse la tête plus exposée, mais elle est utile pour les boxeurs rapides et agiles qui comptent sur leur capacité à esquiver et contre-attaquer.
Garde mixte (Mixed Guard)
Combine des éléments des gardes haute et basse, avec une main plus haute que l’autre. Cela permet de varier la défense et l’attaque, en offrant une protection tout en restant prêt à exploiter les ouvertures.
Garde de coquille (Shell Guard ou Peek-a-Boo)
Les mains sont placées de manière à couvrir le visage avec les gants, et les bras serrés près du corps pour protéger les côtes. Les épaules sont souvent haussées pour protéger encore plus le visage et le menton. Cette technique a été popularisée par des boxeurs comme Floyd Mayweather Jr. et est excellente pour la défense rapprochée et les contre-attaques rapides.
Les différentes gardes en boxe sont cruciales car elles influencent la posture de défense d’un boxeur et la manière dont il peut répondre aux attaques. Chaque garde offre des avantages spécifiques et est choisie en fonction du style de combat du boxeur et de la stratégie contre un adversaire particulier.
L’IoT pour mesurer la force
Afin de mesurer la force, nous avons installé un accéléromètre sur le sac de boxe. Au cœur d’un accéléromètre se trouve dispositif constitué d’une masse attachée à un ressort. Cette configuration est sensible aux mouvements. Quand l’accéléromètre bouge ou est secoué, la masse se déplace par rapport au ressort. Le déplacement de cette masse est mesuré pour déterminer combien de force est appliquée sur elle, en se basant sur la loi de Hooke (F = -kx, où k est la constante du ressort et x est le déplacement de la masse par rapport à sa position initiale).
Voilà pourquoi l’accéléromètre était le candidat idéal pour poursuivre nos travaux. En examinant de près les variations de la force d’impact, on peut obtenir des indices sur la cohérence et l’efficacité de la technique de frappe utilisée. Voici ce qu’on a pu apprendre :
Identification des inconsistances
Des variations significatives d’un coup à l’autre indiquent une incohérence dans la façon de frapper. Par exemple, un boxeur peut frapper extrêmement fort à certains moments et moins fort à d’autres, ce qui peut être le signe d’une perte de focus, de fatigue, ou d’une technique de frappe imparfaite.
Correction des défauts techniques
Les données recueillies ont laissé supposer l’existence de défauts spécifiques dans la technique de frappe. Lors du salon, si un “boxeur” ne parvenait pas à délivrer une force d’impact importante, cela indiquait la plupart du temps qu’il ne positionnait pas correctement ses pieds, qu’il ne tournait pas assez ses hanches, ou qu’il ne transférait pas suffisamment son poid dans l’exécution des coups. Kévin Lele Sadjo Et Méghane Amouri m’avaient briefé sur les bases à connaître pour qu’un coup soit réussi. J’ai humblement essayé de partager ces tips aux participants. Et devinez quoi, après application de ces concepts de bases, les scores étaient plus élevés !
Optimisation de la puissance
Notre analyse posturale a été développée pour mesurer l’efficacité d’une position défensive mais on aurait aussi pu analyser la posture lors d’une frappe. Cette analyse aurait également pu aider à optimiser la puissance des coups. En effet, en comprenant la relation entre la position du corps, le mouvement, et l’impact enregistré par l’accéléromètre, les boxeurs peuvent ajuster leur manière de frapper pour maximiser la force transmise. Cela implique souvent des ajustements fins, comme changer l’angle de frappe ou la rapidité de l’exécution.
Réglages
Kévin est venu frapper dans notre patate co avant le salon, c’est son score qui a fait office de valeur maximale !
L’apport ludique de la patate connectée
Quand j’ai pensé à l’UX de la patate connectée, c’était assez évident qu’il fallait que ce soit ludique et que ça rappelle les jeux vidéo dans un style arcade un peu rétro. J’ai donc fait appel aux designers de Devoteam Creative Tech pour traduire ma pensée. C’était exactement ce que j’imaginais. Et c’était la partie la plus excitante du projet, car tout devenait palpable.
Lors du Summit AWS Paris, l’apport ludique de la patate connectée s’est manifesté par sa capacité à transformer l’entraînement physique en une expérience interactive et engageante. Les participants recevaient des retours immédiats sur la puissance de leurs coups et la qualité de leurs gardes, et ces informations étaient visualisées de manière intuitive, permettant ainsi une compréhension instantanée des points à améliorer. De plus, l’intégration d’éléments de gamification, tels que les scores, les niveaux, et les défis, incitent les utilisateurs à se surpasser. Il faut savoir que chaque garde détectée est associée à un style de boxeur célèbre, permettant ainsi aux participants de se mesurer aux grands noms du sport, ce qui a pour conséquence d’acculturer et de motiver en même temps. En outre, le tableau de classement, affichant les scores les plus élevés, ajoutait une dimension compétitive, poussant les athlètes à revenir pour améliorer leur classement. (Vous pouvez regarder un résumé de la journée sur notre Stand Patate Connecté lors du Summit AWS Paris, les gens s’amusent vraiment, oui oui ! )
La patate connectée est encore à ses débuts et il y a encore beaucoup à faire pour l’améliorer en termes d’optimisation, d’options, et même d’expérience. Néanmoins cette première itération s’est construite sur des bases solides offrant des perspectives prometteuses pour continuer d’explorer la performance dans le monde de la boxe tout en rendant l’approche ludique.
Je profite de ce retour d’expérience pour remercier Luiz Carlos de Jesus Junior, Walid Abdaoui, Benjamin Ngabmen, et Kévin Monteau qui ont œuvrés sur cet ambitieux projet !
Pour en savoir plus : la vidéo du talk « A la recherche du geste parfait » avec Méghane Amouri – Summit AWS Paris 2024