Future Intelligence : l’IA aux commandes, jusqu’où pourrons-nous lui faire confiance ?

Temps de lecture : 15 minutes

Article co-écrit par Alexandre Montlibert, consultant ML/ML Ops, et Sergio Winter, Lead Data A Cloud Toulouse, et consultant LLM/ML Ops

Image d’illustration : 2001, l’Odyssée de l’espace – Stanley Kubrick

Le 5 décembre dernier, le MEETT de Toulouse accueillait l’événement Future Intelligence, une journée stratégique entièrement consacrée à l’intelligence artificielle au service du secteur aéronautique.

Réunissant professionnels, universitaires et décideurs, cette session a exploré les multiples facettes de l’IA et ses potentiels transformateurs pour l’industrie aéronautique. Les interventions ont couvert des thématiques variées, allant de l’analyse d’images et de signaux à la simulation, en passant par l’aide à la décision et les processus innovants de gestion documentaire. Dans cet article, nous vous invitons à découvrir comment l’intelligence artificielle transforme le secteur aéronautique en revenant sur les conférences abordant la conformité et la sécurité, la durabilité, l’IA hybride et la simulation, la maintenance prédictive ainsi que le développement des compétences liées à l’IA.

Compliance & Security : Le défi de la certificabilité

 “Every takeoff is optional. Every landing is mandatory”

Règle n°1 du pilote débutant

Une tradition d’innovation en ingénierie logicielle pour la fiabilité

L’aéronautique et l’aérospatial se distinguent par leur niveau inégalé de complexité et d’exigence en matière de certification. Dans ces secteurs, où chaque défaillance peut engendrer des conséquences majeures, la sécurité et la fiabilité constituent des impératifs absolus.

Depuis la création du langage de programmation ADA dans les années 1970, en passant par les techniques de certification logicielle basées sur la preuve formelle, jusqu’aux approches plus récentes de validation par simulation, l’aérospatial s’est toujours positionné en pionnier dans le développement de méthodes innovantes pour renforcer la fiabilité des systèmes semi-autonomes. La France, en particulier, a joué un rôle clé dans ces avancées grâce à son réservoir de talents et à l’excellence de sa recherche scientifique.

Le crash du vol 501 d’Ariane 5 en 1996, causé par quelques bits corrompus, a marqué durablement les esprits et a constitué un véritable tournant dans la reconnaissance de l’importance d’appliquer aux logiciels la même rigueur en matière de fiabilité que pour les composants physiques. Depuis, de nouvelles approches ont été développées pour relever ces défis. Cependant, l’émergence de l’IA ravive les discussions et met en évidence la nécessité de concevoir des méthodes de validation inédites, car les outils actuels ne sont pas adaptés à ces nouveaux types de logiciels.

Les défis posés par l’intelligence artificielle dans les systèmes critiques

Les organismes de régulation, tels que l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) et la Federal Aviation Administration (FAA) aux États-Unis, s’engagent dans le développement de cadres normatifs visant à intégrer des critères spécifiques liés à la robustesse, la résilience et la sécurité des systèmes d’IA. Cependant, le chemin reste semé d’embûches, car tout reste à concevoir : non seulement les outils nécessaires, mais également la méthodologie qui les accompagnera.

L’intégration de l’intelligence artificielle présente des défis spécifiques. Les systèmes embarqués doivent satisfaire à des exigences rigoureuses en matière de performance tout en assurant une transparence et une traçabilité irréprochables des décisions prises par l’IA. Ces aspects sont essentiels pour permettre aux ingénieurs et aux régulateurs de comprendre et de valider le fonctionnement des algorithmes, notamment dans des situations critiques nécessitant une intervention humaine rapide.

Explicabilité, fiabilité et cyber-risques : les nouveaux piliers de la certification

De nombreuses interventions ont mis en lumière les défis associés aux modèles connexionnistes, contrastant avec les approches traditionnelles, souvent privilégiées pour leur explicabilité. David Sadek, de Thales, a d’ailleurs souligné : « L’intelligence artificielle doit être explicable pour susciter la confiance, en particulier dans les contextes où la sécurité est primordiale. »

Patrick Fabiani, de Dassault Aviation, a souligné l’importance de concevoir des systèmes d’IA qui ne se contentent pas d’afficher de bonnes performances, mais dont la fiabilité des prédictions peut être rigoureusement qualifiée. Cela inclut notamment leur résistance aux cyber-risques, tels que les attaques adversariales. Pour répondre à ces défis, il apparaît essentiel de mettre en place des Red Teams, des équipes spécialisées en sécurité offensive, capables d’évaluer et de renforcer la robustesse des modèles. Ces approches deviennent indispensables pour assurer la résilience des systèmes intégrant de l’IA.

Il convient également de noter que les exigences en matière de garanties varient selon les applications. Les fonctions critiques, telles que la gestion de trajectoire, la navigation autonome ou la maintenance prédictive, nécessitent un très haut niveau de confiance, tandis que d’autres domaines, comme la logistique, peuvent adopter l’IA avec davantage de souplesse et de rapidité.

Sustainability : Une IA pour un avenir durable

“The ONLY time you have too much fuel is when you’re on fire.”

Règle n°5 du pilote débutant

L’industrie aéronautique est en première ligne concernant la transition vers un futur plus respectueux de l’environnement. Comme le rappelle Bruno Dahan, de l’Aerospace Valley, « l’objectif est l’élimination des émissions de carbone d’ici 2050. »

Plus que pour n’importe quel autre domaine, la prise de conscience tardive de la nécessité de la protection de l’environnement et de la réduction des émissions aura un impact sans précédent sur cette industrie. Le temps où nous pouvions brûler des tonnes de kérosène sans mauvaise conscience est décidément révolu.

Quand l’IA trace la voie d’un ciel plus vert et plus fluide

Les approches AI for Green tentent d’utiliser l’IA au service de l’environnement. Des modèles de machine learning, développés par l’entreprise OpenAirlines, par exemple, proposent des conseils aux compagnies aériennes afin d’optimiser leurs vols et de réduire leur consommation de carburant.

Certaines approches permettent d’optimiser la consommation de carburant, telles que les descentes optimisées en trajectoire continue (Continuous Descent Operations, CDO). Cependant, pour garantir la séparation entre aéronefs et faciliter la gestion du trafic aérien, les vols commerciaux doivent respecter des trajectoires prédéfinies au sein de corridors aériens, tandis que l’espace aérien est structuré par niveaux de vol (Flight Levels). Ainsi, lors des phases d’approche et d’atterrissage, les avions ne peuvent généralement pas effectuer une descente en continu, mais doivent suivre une descente par paliers (step descent), ce qui engendre une augmentation de la consommation de carburant. Des expérimentations sont actuellement en cours pour optimiser cette approche.

À ce jour, la gestion du trafic aérien repose encore intégralement sur des contrôleurs humains. L’automatisation de ces systèmes, avec l’intégration potentielle de l’intelligence artificielle, permettrait de gérer des situations plus complexes en trois dimensions. Cette avancée contribuerait à fluidifier le trafic, tout en garantissant un niveau de sécurité optimal.

Réaliser des tests non destructifs et prolonger la vie du matériel

TESTIA, dirigée par Guillaume Ithurralde, CTO, redéfinit les standards du contrôle qualité grâce à l’alliance de la tomographie 3D et de l’intelligence artificielle. Spécialisée dans les tests non destructifs et le suivi des processus de fabrication, l’entreprise exploite des techniques issues à la fois de l’industrie et du domaine médical, telles que la radiographie et la tomographie, pour détecter avec précision les anomalies, en particulier celles produites par des méthodes de fabrication additive.

L’analyse s’appuie sur des volumes de données astronomiques, traités par des modèles de machine learning afin d’identifier des défauts invisibles à l’œil nu. En parallèle, TESTIA collabore étroitement avec chercheurs et industriels pour établir de nouvelles normes de qualification. L’objectif est ambitieux : introduire des systèmes d’assistance automatisés dès 2027, pour aboutir à des solutions entièrement autonomes d’ici 2028. 

Lors d’une conférence, l’attention s’est portée sur InDRa (INcreasing electrical Drone RAnge), un projet novateur visant à accroître de 20 % l’autonomie des drones électriques grâce à une utilisation stratégique de l’intelligence artificielle frugale et des mathématiques avancées. Ce projet, porté par un consortium réunissant ADAGOS, spécialiste de l’IA et du deep learning, l’Institut de Mathématiques de Toulouse et le fabricant de drones DELAIR, propose une approche innovante basée sur la création d’un jumeau numérique.

Ce modèle virtuel, combinant les caractéristiques de la batterie et du drone, sert à identifier les configurations idéales pour réduire la consommation énergétique tout en optimisant la gestion des commandes de vol. “Notre but est de montrer que nos outils permettent d’atteindre les 20 % d’augmentation d’autonomie annoncées”, a déclaré Mohamed Masmoudi, CEO d’ADAGOS.

Financé dans le cadre de l’appel à projets MAELE (Mobilité Aérienne Légère et Environnementalement Responsable) et soutenu par le pôle de compétitivité Aerospace Valley, InDRa s’inscrit dans une vision ambitieuse de la décarbonation de l’aviation légère, en s’attaquant à des défis concrets par des solutions technologiques de pointe.

L’urgence écologique et la nécessité d’une transformation radicale

L’impact écologique est devenu une préoccupation centrale pour l’ensemble des acteurs de l’aéronautique. Face aux défis climatiques et à l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le secteur se trouve à un tournant critique. Sans solutions concrètes et suffisamment ambitieuses, il est plausible que cette industrie, telle que nous la connaissons, disparaisse dans les prochaines décennies. La nécessité de se réinventer est donc vitale, non seulement pour la planète, mais également pour la pérennité même de l’aéronautique.

Comme l’explique un des intervenants avec une grande lucidité :

« Il ne s’agit plus d’appliquer des optimisations incrémentales, nous permettant de grappiller quelques pourcentages de performance. Faire comme nous avons fait ces 20 dernières années ne nous permettra pas de continuer.

L’aéronautique est LE domaine où tout ou presque a déjà été optimisé au maximum. L’espoir de l’IA, c’est d’apporter un regard entièrement neuf sur nos process et nos chaînes de production. Nous n’avons pas besoin d’une IA d’optimisation. Nous avons besoin d’une IA disruptive, qui nous permette de repenser nos process de zéro et nous permette d’imaginer l’avion de demain. Sans ces évolutions, il se pourrait bien que nos petits-enfants ne puissent jamais voyager en avion. C’est une technologie formidable, et ce serait quand même bien dommage. »

Ce constat appelle à une transformation systémique, s’appuyant sur des technologies émergentes capables de redéfinir les paradigmes existants et d’offrir des solutions réellement disruptives pour réduire drastiquement l’impact environnemental du transport aérien.

Maintenance prédictive, IA et Simulations : une Hybridation Réussie

“The propeller is just a big fan in front of the plane used to keep the pilot cool.

When it stops, you can actually watch the pilot start sweating.”

Règle n°6 du pilote débutant

Analyser les problèmes techniques, avec un simple smartphone

Akawan, surnommée le « Shazam de l’acoustique », révolutionne la détection des défauts d’étanchéité grâce à l’intelligence artificielle et à des données enrichies. Présentée par Gabrielle Arnault-Lazard, cette solution innovante atteint une précision impressionnante de 98 % dans l’analyse des anomalies, offrant une méthode rapide et efficace pour assurer la qualité des portes. Le personnel de bord peut désormais effectuer un diagnostic à l’aide d’une simple application sur smartphone, simplifiant ainsi les contrôles et réduisant le nombre d’interventions nécessaires.

Cette performance repose sur une stratégie ingénieuse : Akawan a démarré avec un volume de données modeste, seulement 500 mégas, avant d’enrichir son modèle avec des données synthétiques pour en améliorer la robustesse. L’objectif est de fournir une détection fiable dans des environnements variés et complexes.

Fidèle à son ambition d’innovation, Akawan travaille actuellement à intégrer des données multimodales, combinant l’acoustique et la vision, afin d’augmenter encore la précision des diagnostics. Cette approche proactive et technologique s’inscrit dans une logique d’amélioration continue, positionnant Akawan comme un acteur clé dans l’optimisation des processus de contrôle et de maintenance.

Des inspections automatisées grâce aux drones

Les drones autonomes transforment la maintenance prédictive, permettant des inspections précises dans des environnements variés et souvent hostiles. Alexis Pradille de Delair et Mohamed Masmoudi, PDG d’ADAGOS, ont présenté des solutions qui exploitent la synergie entre l’expertise en conception de drones longue endurance de Delair et les avancées en intelligence artificielle frugale d’ADAGOS. Ces appareils, capables de parcourir jusqu’à 100 km en autonomie et de voler pendant 6 heures, sont utilisés pour des missions critiques, comme l’inspection de lignes électriques.

La robustesse est au cœur de leur conception, leur permettant de résister aux environnements extrêmes : désertiques, glacés ou même en zones de conflit, comme en Ukraine. Les technologies intégrées assurent également une sécurité opérationnelle renforcée : les drones restent fonctionnels même face à des tentatives de spoofing GPS ou de brouillage radio, en utilisant des algorithmes d’estimation de position autonomes.

Avec ces capacités, les drones de maintenance prédictive apportent une réponse technologique innovante aux défis de sûreté et de navigabilité, tout en minimisant les interventions humaines dans des contextes exigeants. Ces avancées s’inscrivent dans une vision industrielle ambitieuse, où fiabilité, autonomie et efficacité convergent pour optimiser les opérations et réduire les coûts.

La Computer vision, au service de l’optimisation logistique 

Daher, représentée par Maxime Vicaire, Responsable Innovation Logistique, a présenté une avancée majeure dans l’optimisation des chaînes logistiques grâce à sa plateforme “Palet AI”. Cette solution innovante repose sur la vision par ordinateur pour combler les lacunes en matière de données, transformant ainsi la gestion des flux logistiques. En utilisant six caméras stratégiquement positionnées, le système analyse en temps réel les palettes et colis, identifiant automatiquement les éléments prioritaires.

Les informations collectées sont affichées en réalité augmentée sur des écrans, offrant une visualisation claire des palettes avec des indicateurs clés tels que leur niveau de priorité, le temps d’attente ou encore leur position précise dans l’entrepôt. Cette approche élimine les « angles morts » des processus traditionnels, notamment les moments critiques où une palette peut être livrée mais non immédiatement traitée. Selon Maxime Vicaire, “l’IA nous permet d’aller chercher de la donnée là où il n’y en a pas”, une démarche essentielle pour atteindre un haut niveau d’efficacité.

En s’appuyant sur la vision par ordinateur, Daher s’efforce également d’optimiser le respect des délais de livraison (On-Time Delivery – OTD). Le suivi précis du temps de présence des palettes et l’analyse automatisée des flux apportent une aide précieuse aux opérateurs, simplifiant la prise de décision et réduisant les inefficacités.

Anticiper les pannes, grâce à l’IA hybride

Chez Airbus Helicopters, l’intelligence artificielle transforme la maintenance, passant d’une approche corrective traditionnelle à une logique prédictive révolutionnaire. La solution « Helico Health Monitoring » repose sur une analyse avancée des vibrations mécaniques, combinant des modèles hybrides alliant IA connexionniste et symbolique. Cette double approche permet non seulement d’améliorer la disponibilité des appareils et la sécurité des opérations, mais aussi de réduire significativement les coûts de maintenance.

Le processus débute par l’analyse des schémas vibratoires via des modèles connexionnistes, capables de détecter les anomalies en se basant sur un modèle de normalité. Ces résultats sont ensuite interprétés par une IA symbolique, qui applique des règles expertes et des logiques floues pour déterminer précisément l’origine des pannes. Ammar Mechouche, représentant Airbus Helicopters, souligne l’impact de ces innovations : « Grâce à ces méthodes, nous prévenons les pannes et gagnons en efficacité. »

Historiquement, Airbus Helicopters s’appuyait sur l’analyse vibratoire et le traitement du signal. Aujourd’hui, l’intégration de nouvelles sources de données et de systèmes hybrides permet une détection proactive des signaux faibles, anticipant les pannes avant qu’elles ne surviennent. Ces avancées nécessitent toutefois des garde-fous rigoureux pour garantir la fiabilité des analyses, notamment dans un contexte où les modèles connexionnistes posent des défis importants en termes de certification, en raison de leur nature statistique.

ANITI: un écosystème de recherche unique sur l’IA hybride

“Learn from the mistakes of others.

You won’t live long enough to make all of them yourself.”

Règle n°9 du pilote débutant

Présenté par Romaric Redon, son directeur opérationnel, l’Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute (ANITI), est un institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle (IA) de pointe, né du Programme Investissements d’Avenir (PIA3) et implanté dans la métropole toulousaine, berceau de l’aéronautique européenne.

Il réunit plus de 200 chercheurs issus d’universités, d’écoles d’ingénieurs et d’organismes de recherche (CNRS, INRAE, CNES, ONERA…), ainsi qu’une trentaine de partenaires industriels (Airbus, Thales, Renault, Continental, etc.). Soutenu par la Région Occitanie et Toulouse Métropole, ANITI s’inscrit dans la dynamique nationale, aux côtés des trois autres instituts 3IA français (Grenoble, Nice, Paris), pour positionner la France parmi les leaders mondiaux de l’IA.

Un focus stratégique sur l’IA hybride et ses applications aéronautiques 

L’originalité d’ANITI repose sur une approche d’IA hybride intégrant, de manière étroitement couplée, l’apprentissage automatique issu des données (machine learning, deep learning) et des modèles symboliques fondés sur des règles, des contraintes et du raisonnement logique. Dans le secteur aéronautique, cette intégration répond à plusieurs enjeux :

  • Fiabilité et Robustesse : Les systèmes IA doivent répondre à des normes de sûreté extrêmement strictes. Les approches hybrides permettent d’assurer la cohérence et la résilience des algorithmes, grâce à la formalisation de propriétés critiques et de contraintes qui garantissent un fonctionnement sûr et prévisible.
  • Explicabilité et Transparence : L’Interprétabilité des décisions est cruciale dans un domaine où la confiance est un impératif. Les modèles symboliques donnent du sens aux prédictions, ce qui facilite la compréhension et la vérification des choix des systèmes IA, tant par les ingénieurs que par les autorités de certification.
  • Respect des Lois Physiques, Intégration aux Simulations et Surrogate Models : L’aéronautique s’appuie largement sur la simulation pour concevoir et valider des appareils complexes. L’IA hybride, plutôt que de supplanter ces approches établies, les complète. Les modèles symboliques intègrent des lois physiques fondamentales, garantissant ainsi que les prédictions ne s’éloignent pas des principes de base de l’aérodynamique. De plus, l’utilisation de « surrogate models » – des modèles réduits – accélère la simulation aérodynamique et la conception de systèmes embarqués, en réduisant le besoin de calculs intensifs. Cette complémentarité permet d’explorer plus efficacement l’espace de conception et de validation, sans renoncer aux techniques classiques de simulation et de validation numérique.

Programmes de recherche à fort impact

ANITI s’articule autour de trois programmes (IP) :

  1. Acceptability, fair representative data for AI : Élaborer des méthodes assurant une IA éthique, équitable et conforme aux standards internationaux, un enjeu de taille dans un secteur mondialement régulé comme l’aviation.
  2. Certifiable AI towards autonomous critical systems : Développer des outils IA hybrides pour des systèmes autonomes certifiables, adaptés aux contraintes de sûreté et de sécurité propres à l’aéronautique.
  3. Assistants for design, decisions and optimized industry processes : Concevoir des assistants intelligents qui exploitent conjointement simulations physiques et apprentissage machine, afin d’accélérer le processus de conception, d’améliorer la maintenance prédictive, la surveillance du trafic et l’optimisation industrielle, sans supplanter les approches traditionnelles, mais en renforçant leur efficacité.

En somme, ANITI incarne une nouvelle génération d’instituts d’IA, misant sur l’hybridation des approches, l’intégration aux simulations physiques et la complémentarité avec les méthodes éprouvées, pour concevoir des systèmes fiables, explicables et durables, répondant ainsi aux enjeux majeurs de l’aéronautique du futur.

L’IA industrielle : un équilibre entre innovation et savoir-faire

“Good judgment comes from experience.

Unfortunately, the experience usually comes from bad judgment.”

Règle n°20 du pilote débutant

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) impose des évolutions majeures dans les compétences, les technologies et les stratégies collaboratives. À travers les échanges lors de l’événement Future Intelligence, trois axes essentiels ont émergé : la formation, l’innovation technologique et la complémentarité entre savoir-faire et innovation.

Former pour répondre aux enjeux de demain

L’IA transforme profondément les métiers et impose un renouvellement des compétences. Patrick Fabiani (Dassault Aviation) insiste : « La formation est cruciale pour conjuguer expertise industrielle et potentiel de l’IA. » Cet enjeu dépasse les frontières de l’industrie pour concerner également les pouvoirs publics et le secteur éducatif. Agnès Plagneux Bertrand (Toulouse Métropole) rappelle que le domaine public a la responsabilité d’anticiper les besoins futurs et de préparer les nouvelles générations.

Ce renouvellement des compétences repose sur une hybridation des savoirs. Les intervenants sont unanimes sur l’importance de combiner expertise métier, connaissance des phénomènes physiques et approches data-driven. Loin de supprimer les savoir-faire traditionnels, l’IA doit les renforcer, en s’appuyant sur des formations adaptées et sur des outils pédagogiques innovants.

« Nous ne devons pas perdre la richesse des modèles physiques dans cette transition vers une IA data-driven », ont-ils insisté. L’avenir se dessine non pas comme une rupture technologique, mais comme une évolution basée sur une complémentarité.

Innover grâce à des approches hybrides

Les approches hybrides, comme les modèles réduits (« surrogate models »), transforment les pratiques industrielles. Ces innovations permettent d’accélérer les processus, de réduire les risques et les coûts, tout en répondant aux besoins spécifiques des secteurs critiques comme l’aéronautique.

Jayant Sen Gupta (Head of Airbus IA Research) explique que la transition d’une IA « artisanale » à une IA « industrielle » est indispensable. Cela implique le développement de frameworks standardisés, de bibliothèques logicielles fiables et de certifications adaptées. Ces solutions techniques s’accompagnent d’une ouverture à l’écosystème académique grâce à des initiatives open data et open source. Cette coopération favorise une orientation plus rapide et plus pertinente des recherches.

Construire une IA de confiance par la collaboration

Comme nous le rappelle Marc Sztulman, Conseiller Régional Délégué au numérique de la Région Occitanie, l’IA est un sujet d’enthousiasme, mais aussi de préoccupations au sein de la population. Il ne s’agit plus uniquement d’un domaine technique, mais aussi d’un sujet de société qui aura un impact bien réel sur la manière dont notre société fonctionne.

Ce sont donc aussi aux services publics de servir de catalyseurs et de régulateurs, par des soutiens financiers à ce genre d’événement, pour favoriser le développement de cet écosystème français, qui, à lui seul, sera en mesure de nous permettre d’avoir une IA de confiance et dont nous saurons nous servir de manière à ce que le futur de l’intelligence artificielle ne ressemble pas à l’IA de HAL dans L’Odyssée de l’espace, le navigateur devenant naufragé et accélérant notre chute, mais plutôt à un R2-D2, un compagnon sympathique et serviable.

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