Economie circulaire : comment accélérer les initiatives grâce au Cloud

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L’économie circulaire a comme objectif de produire des biens et services de façon durable, en limitant la consommation de ressources et les déchets produits. Le recyclage, la revalorisation, ou la réutilisation des équipements, produits ou matières premières permettent ainsi de passer d’un modèle linéaire (économie du jetable), à un modèle circulaire, plus vertueux pour l’environnement. Comment ce concept s’applique-t-il à l’IT, au Cloud, et aux nouveaux cas d’usage rendus possibles par le Cloud ?

Durant le Summit AWS Paris, Mateo Dugand (AWS), Rudy Krol (AWS) et Zinedine Khafague (Veolia RVD) ont abordé ces questions dans leur talk “La stratégie économie circulaire d’AWS et impacts clients”. Nous verrons dans cet article les principaux concepts de l’économie circulaire, comment AWS implémente ces principes dans son infrastructure, avant de terminer par un exemple concret d’usage des services IoT, edge computing, et machine learning pour améliorer la performance des centres de tri des déchets chez Veolia.

Les concepts de l’économie circulaire par Mateo Dugand

Le constat est sans appel : 400 millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année, dont seulement 15% sont recyclés ; pour les déchets électroniques, ce sont 60 millions de tonnes par an, dont 82% sont incorrectement traités. Trop de déchets, des ressources en nombre fini, la problématique est donc de trouver comment réinjecter des ressources dans l’économie, et moins gaspiller.

Le cas des déchets électroniques est particulièrement inquiétant, car c’est l’un des segments en forte croissance. Entre 2010 et 2019, leur volume a doublé. C’est la résultante d’un système linéaire, où l’on consomme des matières premières en entrée, pour finir par les jeter. Comment passer à un système circulaire, où l’on répare et recycle afin de réduire la pression en termes d’extractions des matières premières ?

AWS a mis en oeuvre une stratégie circulaire qui s’appuie sur 3 piliers : 

  • Le design des équipements (serveurs, datacenters) pour qu’ils soient faciles à réparer, à réutiliser et à recycler
  • Dans les opérations, la prolongation de la vie des équipements (concrètement, on les utilise plus longtemps)
  • La revalorisation avec la réutilisation et le recyclage des équipements arrivés en fin d’utilisation et ou de vie
économie circulaire
Mateo Dugand

Concernant le design des équipements, le principal matériau utilisé est l’acier. AWS a donc choisi de sourcer de l’acier issu de fours à arc électrique, qui permettent d’utiliser plus de matériaux recyclés, et donc de réduire la part de matériaux vierges en entrée, et d’utiliser de l’électricité plutôt que des énergies fossiles.

Le deuxième volet de cette stratégie, lié aux opérations, a été mis en œuvre en 2023 avec la prolongation de la durée de vie moyenne des serveurs de 5 à 6 ans. Un projet pilote vise aussi à prolonger la vie des disques durs issus des racks S3. En fin de vie d’un rack, plutôt que de jeter tout le rack, les disques sont testés et on récupère ceux qui sont encore en état de fonctionnement pour les consolider sur un nouveau serveur. En 2023, grâce au succès d’un projet pilote qui permettra de prolonger la vie de ces disques, AWS a évité l’achat de plus de 8 000 disques durs.

Enfin, le troisième pilier, la revalorisation, est mis en œuvre par AWS à travers des centres de logistique inversée. Ces centres testent, réparent et remettent en circulation les équipements vers les data centers AWS ou pour être vendus en vue d’une réutilisation par des tiers. En 2023, AWS a plus que doublé la surface et les capacités de traitement de ses centres de logistique inversée en investissant dans 3 nouveaux sites. Plus d’informations dans cet article : Circular Servers: An Inside Look at How AWS Refurbishes its Data Center Hardware.

Prochaine étape, l’accélération de cette stratégie à travers la data, et notamment la mise en place de la collecte des données des flux, circulaires ou non, afin de pouvoir simuler les améliorations. En d’autres termes, mieux comprendre les opérations pour les améliorer et les rendre plus circulaires.

Accélérer les initiatives d’économie circulaire : les solutions AWS par Rudy Krol

Rudy Krol a ensuite présenté les solutions AWS destinées aux clients et partenaires : gestion des actifs IT, migration vers le Cloud, ou plus généralement usage de l’IT pour accélérer les initiatives d’économie circulaire.

AWS a par exemple lancé un programme dédié aux migrations afin de s’assurer de la réutilisation des équipements du datacenter. Une équipe se charge ainsi de mettre en relation les clients AWS avec des partenaires spécialistes du décommissionnement et de la revente de matériel IT, pour les accompagner tout au long du processus de décommissionnement (rachat des équipements, nettoyage des données, revalorisation des équipements).

Les partenaires sélectionnés sont certifiés R2 (Responsible Recycling), label assurant l’implémentation des bonnes pratiques de circularité. La réalisation d’un profilage énergétique, basé sur l’analyse de la consommation des équipements, permet d’établir des priorités de décommissionnement en favorisant les équipements les plus énergivores. 90% des équipements IT ont une capacité de revente/réutilisation.

Avec ces éléments, la validation de la migration dans le cloud peut se faire sur la base d’un comparatif énergétique entre les équipements décommissionnés, et ceux ciblés dans le Cloud.

Autre cas d’usage présenté, l’amélioration de l’efficacité dans le cadre des activités R&D grâce au Cloud. Rudy Krol a cité l’exemple de Good Chemistry, qui réalise des simulations de chimie à la demande en utilisant de la HPC (capacité de calcul, réseau ou stockage). L’entreprise travaille ainsi sur la recherche de solutions de destruction des PFA, en s’appuyant sur des clusters avec 1 millions de cœurs. Pour plus d’informations, un article de blog détaille ce cas d’usage.

Rudy Krol a également évoqué d’autres cas d’usages en lien avec la transparence de la chaîne de valeur. Pour suivre de l’ensemble des flux de matières dans les activités d’une entreprise, et s’assurer d’augmenter la part des matériaux ressourcés ou bio sourcés, on a besoin d’une vision complète, qui repose sur des solutions d’analyse de données. Cela nécessite un travail en priorité sur la gouvernance des données, afin de prendre en compte les données issues de différentes entités, et des parties prenantes de la chaîne de valeur.

Veolia : dépolluer, décarboner et régénérer

Zinedine Khafague, responsable adjoint du pôle infrastructure technique à la DSI Veolia Recyclage et Valorisation des Déchets, a ensuite présenté le plan 2024-2028 de Veolia. Dépolluer, décarboner et régénérer : pour parvenir à ces objectifs, Veolia mise sur trois boosters de croissance que sont les énergies décarbonées, les technologies de gestion de l’eau et de gestion des déchets. Cette stratégie s’illustre à travers un cas d’usage particulièrement innovant où l’IA et le Cloud permettent de doubler l’efficacité des activités de recyclage.

En effet, sur 12 millions de tonnes de déchets traitées chez Veolia RVD, 2 millions de tonnes sont réinjectées dans l’économie circulaire. Cela représente environ 120 tonnes par jour et par site. Le recyclage permet de produire de la matière première secondaire, dont le taux de pureté doit être le plus élevé possible pour être valorisé. La pureté des flux est donc un facteur déterminant pour l’ensemble de la filière recyclage : pour le repreneur qui n’aura pas de surcoût lié à la dépollution, pour l’exploitant comme Veolia RVD qui voit son tonnage maximisé, et pour la collectivité qui sera mieux rétribuée à la hauteur de son taux de recyclage.

Démonstration de la solution de sélection et tri de déchets sur l’Innovation Corner

Comment calculer ce taux de pureté ? Jusque là, le processus était manuel, effectué par un opérateur en fin de journée sur un échantillon du flux. Le passage à un système automatisé, analysant la totalité des flux par convoyeur, permet maintenant de traiter 20 tonnes par jour et par convoyeur. Cette solution met en œuvre un tapis éclairé, une caméra et un modèle d’IA qui va  identifier chaque objet, le caractériser, le taguer et calculer le taux de pureté. Le taux est affiché à l’opérateur en temps réel, qui peut ensuite contrôler si le taux est conforme aux attentes.

Cette solution a été développée par les équipes R&D de Veolia avant d’être testée sur site. Veolia RVD a ensuite décidé d’industrialiser la solution et a travaillé avec les équipes prototyping d’AWS afin d’identifier les services AWS pertinents, notamment AWS Greengrass. Comme l’explique Zinedine, bien que la DSI ait tendance à faire beaucoup par soi-même, il leur a fallu identifier les ressources manquantes pour compléter le dispositif de réalisation. Veolia RVD a donc fait appel à Devoteam, un partenaire de longue date, pour apporter ses compétences sur les parties liées à l’IoT, l’IA et le edge computing.

Pour plus d’informations sur la collaboration entre les équipes Veolia RVD et Devoteam sur ce projet, lire : Portik, l’IA at edge pour optimiser le tri des déchets).

L’équipe Devoteam sur le stand Veolia

Après une première installation de la solution en 2022, une refonte complète du code a été menée pour utiliser les services AWS, et le développement des connecteurs de l’IT à la partie industrielle a été mené. Le modèle d’IA a été conservé, mais il a été amélioré côté Cloud, avec une stratégie d’enrichissement du modèle. Enfin, en 2023, une revue complète de l’IA a été menée pour la rendre compatible avec l’ensemble des déchets et améliorer les fonctionnalités sur la base des retours terrain. L’infra as code et l’automatisation des gestes d’installation et de mise à jour a permis d’industrialiser les déploiements.

Dans ce cas d’usage, l’IA a joué le rôle d’accélérateur. L’analyse de plus de 200 objets par seconde permet de collecter une mine d’or de données qui jusque-là n’étaient pas exploitées. Ces données sont utilisées localement (affichage du taux de pureté à l’opérateur), et remontées vers le Cloud pour enrichir  le modèle et développer d’autres cas d’usage. Zinedine constate aussi une amélioration du coût environnemental de l’usage de l’IA, avec une réduction du coût d’entraînement de l’IA pour passer de 800 à 60$ entre la V1 et la V2. Le coût d’usage annuel de l’infrastructure est estimé à 4,5k$, un coût qui reste contenu grâce à une adaptation de l’infrastructure aux besoins avec les services Serverless.

Pour conclure, Zinedine souligne les prochains développements : traitement d’autres types de déchets avec l’IA, génération d’images annotées, amélioration de l’IA, optimisation de la qualité du tri, et réduction des coûts de la structure mécanique pour la partie at edge. Enfin, copier et adapter le modèle pour de nouveaux usages et faire profiter d’autres business units de cette technologie.

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