GreenTech Forum 2023 : comment concilier innovation, technologie et sobriété ?
La 3ème édition du GreenTech Forum s’est tenue à Montrouge du 21 au 22 novembre 2023. Réunissant près de 2000 participants et 100 intervenants, le salon a pour ambition de rassembler les professionnels souhaitant construire et innover en étant plus respectueux de l’environnement.
Comment concilier innovation, technologie et sobriété ? Comment conduire et déployer un numérique responsable au sein des organisations ? Pour répondre à ces questions et concevoir collectivement un futur plus souhaitable, GreenTech Forum a proposé 27 conférences et 30 ateliers thématiques.
Devoteam Revolve était présent lors de cet événement, à l’occasion de la table ronde “Comprendre et maîtriser les impacts du numérique sur notre imaginaire, nos perceptions et notre relation à l’environnement”.
Crédit photos : (c) Laurent Ardhouin – GreenTech Forum
Pour commencer, quelques chiffres pour situer le débat. Le numérique en France, c’est 6,3% de prévision de croissance pour 2023, une croissance largement boostée par le Cloud (+21,2%) et les nouveaux usages autour de la data, de l’IA et de l’IoT. Plus de la moitié des DSI ont augmenté leurs budgets IT, avec des objectifs prioritaires comme la sécurité, l’expérience client ou encore l’analyse de données.
Pour autant, cette croissance est-elle compatible avec des objectifs de sobriété numérique ? 42 % des entreprises interrogées dans le baromètre France Num ont déjà mis en œuvre des actions en faveur de la sobriété numérique, et 15 % prévoient de le faire dans les prochains mois, mais comment cela se traduit-il concrètement ?
Comme l’a souligné Véronique Torner, Présidente de Numeum et du Comité de programme du forum, Numeum a une ambition d’impact pour les trois prochaines années, notamment sur les sujets du numérique et de l’environnement :
Les ateliers thématiques et les conférences de cette édition 2023 couvrent de nombreux angles du numérique responsable : numérique responsable dans les bâtiments tertiaires, optimisation des ressources dans la chaîne de production des équipements, rôle de la DSI dans la transition écologique, réglementations existantes et à venir autour du numérique et de l’environnement, sobriété des dispositifs IoT, etc.
Cette année encore, GreenTech Forum est organisé sous le haut patronage de Planet Tech’Care. L’initiative Planet Tech’Care rassemble rassemble aujourd’hui plus de 1000 signataires, acteurs d’un numérique responsable, convaincus que le numérique représente des opportunités majeures d’innovation au service de la transition écologique.
Construire de nouveaux imaginaires
Changer la façon dont nous envisageons, et consommons le numérique, cela passe aussi par faire évoluer sa représentation dans nos imaginaires. Comment ?
Côme Girschig, Audrey Huvet et Rémy Marrone ont essayé de répondre à cette question lors de la table ronde “Comprendre et maîtriser les impacts du numérique sur notre imaginaire, nos perceptions et notre relation à l’environnement”.
Pour ouvrir le débat, Côme associe le phénomène d’accélération dans la société à celui du numérique : la technologie et le numérique, contribuent à accélérer davantage le monde, et de ce fait ne sont pas écologiques. Il cite notamment Hartmut Rosa, “Accélération et aliénation”, qui montre comment le numérique est à l’origine de nombreux maux, qu’ils soient écologiques ou psychologiques (burnout, perte de sens…).
Individuellement, on peut certes choisir de ne pas céder à ce rythme effréné, mais les dernières années ont démontré que l’accélération des rythmes, si elle n’est d’abord le fait que de quelques early adopters, devient ensuite une norme sociale.
Un constat partagé par Audrey : on ne maîtrise plus le rythme d’évolution de la technologie, qui nous aliène quand elle devrait nous émanciper. Pour changer de perspective, nous avons besoin de nouveaux récits technologiques, des futurs “souhaitables”, des prospectives heureuses. Pour reprendre Alain Damasio, en d’autres termes, “s’affranchir de notre techno cocon”, et reprendre le pouvoir sur la technologie. Car “la technologie nous enlève notre puissance et nous donne du pouvoir” (Damasio), et donc l’illusion qu’on a prise sur le monde.
Pour Audrey, au sein de Devoteam Revolve, cela se concrétise par un travail sur l’art auprès des ingénieurs et des experts, car les outils sont façonnés à leur image. L’art nous permet en effet d’acquérir un nouveau regard sur la technologie :
L’art est également un vecteur qui nous permet d’exprimer des choses inhabituelles dans le monde de la technologie et de l’ingénierie. On nous dit souvent “Je ne suis pas créatif”, pourtant il est possible d’appliquer un protocole pour retrouver le temps de la créativité (voir Jules Zimmermann). Et ainsi ouvrir les perspectives, et revenir à une posture orientée solutions. En réalité, la technologie est comme l’imaginaire, elle n’est ni bonne ni mauvaise. Au sein de toute technologie, on trouve à la fois le poison et son remède (le “pharmakon” de Stiegler).
Nous devons donc nous poser les bonnes questions, réfléchir à ce qu’on fait de la technologie, pour quel usage ? C’est l’objectif du dispositif Gravity, développé en interne chez Devoteam Revolve : contribuer à développer l’esprit critique, la conscience de soi, s’affranchir de nos limitations et de nos biais. Parmi les moyens mis en œuvre : le podcast, des conférences débat en interne, une bibliothèque…
Le numérique est-il libérateur ? Pour Rémy Marrone, la réponse est également négative. La technologie qui devait nous libérer des tâches chronophages a contribué à accélérer le rythme… et à faire qu’on a plus de tâches, pas plus de temps. La dématérialisation contribue également à une consommation du numérique qui n’est pas responsable : pour comprendre que le matériel nécessaire au numérique, ce sont des ressources, et qu’elles sont en nombre fini, peut-être faut-il rematérialiser ? Rémy soulève également un point qui fait débat autour de la table ronde : si nous ne sommes qu’une poignée à être convaincus de la nécessité d’un numérique responsable, alors il faut sortir du débat d’experts, et utiliser les outils du marketing à grande échelle pour convaincre plus largement.
En effet, comme le souligne Côme, il y a peu de modèles de comportements plus sobres dans les séries ou les fictions; la représentation du voyage est “problématique”, notamment dans le monde de l’influence. Les influenceurs auraient pourtant la possibilité de valoriser des formes de consommation plus responsables, par exemple le voyage en train. C’est une bataille culturelle, il y a beaucoup de choses à faire qu’on n’a pas encore tentées.
Et au sein de l’entreprise ? Comme l’explique Audrey, pour être libres de choisir, il faut comprendre. D’où ce besoin de transmission du savoir, et de construction de nouvelles histoires. Cela implique aussi de changer le modèle de l’entreprise pour aller vers une économie régénératrice, et donner de la visibilité aux actions vertueuses mais aujourd’hui invisibles, comme le travail auprès des associations. Dans le bilan de l’entreprise, comment faire apparaître tout ce qui sort du strict domaine financier ?
Pour développer un nouveau modèle d’affaires, travailler différemment, nous avons besoin de dirigeants qui aient des convictions : l’entreprise doit revenir à sa mission première, développer le bien commun.