Retour sur GreenTech Forum : comment réduire l’impact environnemental des activités numériques ?
Le salon GreenTech, qui a eu lieu les 30 novembre et le 1er décembre derniers, a rassemblé près de 1000 professionnels et une cinquantaine d’exposants, avec pour objectif de promouvoir des pratiques responsables et permettre aux acteurs privés et publics de réduire l’impact environnemental de leurs activités numériques. Ce nouveau rendez-vous annuel, placé sous le haut patronage de Planet Tech’Care, une initiative pilotée par Syntec Numérique, vise à créer l’occasion d’une réflexion collective sur les enjeux liés au numérique et à l’environnement.
Avec 20 conférences consacrées à la compréhension des enjeux de l’impact environnemental du numérique et 36 ateliers consacrés à des retours d’expérience, le programme couvrait un large panel de sujets : le numérique responsable comme catalyseur d’innovation, les stratégies d’achats numériques, l’IA for Green ou encore la gestion de matériel informatique en fin de vie.
Avec une répartition en quatre parcours :
- Transition écologique et innovation
- Bonnes pratiques
- Formation et culture d’entreprise
- Outils, certifications et réglementations
Comme l’a souligné Véronique Torner, Présidente du Programme Numérique Responsable de Numeum, la question du numérique et de l’environnement est encore un sujet mal appréhendé par l’écosystème. Les données sont insuffisamment partagées, les outils de mesure ne sont pas standardisés, et l’accès aux expertises est difficile bien qu’elles soient nombreuses. C’est pour répondre à ce constat que l’initiative Planet Tech’Care a été lancée.
Une initiative soutenue en plus haut lieu par Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique, présente par l’intermédiaire d’un message vidéo lors de la keynote, puis par Cédric O, Secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique, dont l’intervention a noté la résonance entre transition numérique et la transition écologique. Attention toutefois à ne pas tomber dans les mêmes écueils, rappelle Cédric O. Selon lui, nous avons besoin de plus de preuves et de moins de déclarations d’intention : indicateurs, certifications, standards de marché sont la seule façon d’avoir des comparables et de pouvoir mesurer. Ça tombe bien, le secteur numérique dispose forcément du volume de data nécessaire pour ce faire. La question de la mesure est au cœur du débat, elle est complexe car la validité scientifique de certains indicateurs est encore sujette à caution. De fait, pour le Secrétaire d’Etat, le premier chantier auquel s’attaquer est la question du renouvellement des équipements, à travers par exemple l’indice de réparabilité, et du côté des entreprises utilisatrices la nécessité de considérer l’impact de l’obsolescence logicielle sur le renouvellement des ordinateurs et smartphones. Windows, les OS Google et Apple devraient intégrer par essence la question de l’obsolescence, et c’est aux entreprises consommatrices de mettre la pression sur les constructeurs. Et pourquoi pas légiférer ? “C’est compliqué, et le diable se cache dans les détails”. On l’aura compris, sur ce point Cédric O ne dépassera pas le stade de la déclaration d’intention. Dommage.
En France, il existe pourtant des initiatives, comme le collectif Halte à l’obsolescence programmée.
Bonnes pratiques de l’éco conception
C’est du côté de la table ronde “Bonnes pratiques et meilleures options pour éco concevoir les services numériques” qu’on trouvera des pistes d’action. GreenSpector par exemple, propose des solutions d’optimisation des performances des applications. Comme l’explique Marie Chevallier, consultante dans la start-up nantaise, l’optimisation des performances permet de réduire la consommation de batterie nécessaire à la réalisation d’une tâche et donc de prolonger la durée de vie des smartphones. Elle cite ainsi l’exemple d’une application militaire de terrain dont la consommation a été divisée par 4. Au-delà des bonnes pratiques d’éco-conception, Marie Chevallier note que l’agilité, la co-construction et le design thinking viennent en complément : cela permet de concevoir au plus près du besoin et d’éviter les solutions sur-conçues, et donc sur-consommatrices.
En conclusion, les participants de la table ronde s’accordent à dire que si l’éco conception est maintenant un sujet qui a franchi les limites de la DSI pour entrer dans le périmètre plus large de la RSE, il y a encore des efforts à faire pour porter le sujet. Un parallèle est fait avec la sécurité, qui est maintenant intégrée par tous les acteurs, et tout au long du cycle du développement, mais ce n’est pas encore le cas de l’éco conception. Il est aussi nécessaire d’élargir la sensibilisation au-delà de la DSI à tous les acteurs métiers concernés : commerce, marketing, finances, dont les demandes peuvent aussi contribuer à accentuer le caractère énergivore des applications.
Green AI : pour un usage responsable de l’intelligence artificielle
A quel point l’IA est-elle énergivore ?
La table ronde consacrée à l’intelligence artificielle responsable et au service de la transition écologique visait à s’interroger sur le coût énergétique et l’IA et les conditions d’un usage raisonné sans pour autant brider l’innovation. On cite notamment l’entraînement de l’algorithme de Natural Language Processing GPT3, qui serait particulièrement consommateur, l’équivalent de 700 000 km en voiture, cependant comme le souligne Caroline Chopinaud, VP du Hub Data Science et IA, il ne faut pas se focaliser sur l’algorithme. Si on cherche à évaluer le coût énergétique de l’IA, c’est l’ensemble de la chaîne qu’il faut considérer : l’infrastructure, la donnée, son stockage, l’exploitation, etc.
Cette question touche tous les secteurs d’activité, comme en témoigne la présence de Thierry Lehnebach, Administrateur délégué de l’Alliance du bâtiment. Le secteur du bâtiment représente en effet 25% des émissions de gaz à effet de serre, et la transition numérique s’y heurte à la problématique de l’interopérabilité des données. Avec de multiples contraintes : le format natif propriétaire est un moyen pour les acteurs de contrôler leur marché et de se prémunir de la concurrence, donc comment inciter au partage de données sans que les acteurs du bâtiment soient dépossédés de leur valeur ajoutée par une plateforme numérique ? Qui plus est, le secteur du bâtiment doit répondre au challenge de rassembler un très grand volume de données, mais en optimisant leur poids pour qu’elles soient le plus légères possible. Enfin, la reproductibilité des modèles est également à considérer pour réduire l’empreinte énergétique du Machine Learning. En développant des modèles dont on peut réutiliser certaines features dans d’autres modèles, on limite le temps d’entraînement.
La sobriété de l’IA est un sujet que nous connaissons bien chez Devoteam Revolve. Audrey Huvet, Directrice Marketing et Partenariats chez Revolve était présente pour partager nos retours d’expériences et bonnes pratiques sur ce sujet. L’usage des ressources Cloud s’est en effet largement généralisé, et comme ces ressources sont dématérialisées et peu coûteuses, le décommissionnement des machines non utilisées dans le Cloud n’est pas toujours systématique. Face à ce constat, les équipes de Devoteam Revolve apportent une démarche FinOps pour sensibiliser au sujet, et c’est l’automatisation qui permet d’optimiser le cycle de vie des ressources Cloud. C’est le cas par exemple chez ENGIE IT, qui surveille et optimise ses coûts en continu grâce à l’automatisation. Audrey souligne également le rôle des ESN dans cette transition numérique et écologique : il est de leur responsabilité de sensibiliser leurs clients à l’usage de solutions raisonnées et adaptées à leur besoin. C’est en tous cas l’approche conseil adoptée par Devoteam Revolve, revenir au besoin client et son expression pour y répondre avec la technologie la plus adaptée. Il ne s’agit pas, comme le souligne également Caroline Chopinaud, de faire de l’IA pour de l’IA.
Pour autant, l’IA peut aussi être un formidable outil au service des enjeux environnementaux : le CREA Mont-Blanc étudie l’impact du réchauffement climatique sur les animaux de haute montagne grâce aux algorithmes des Data Scientists de Devoteam Revolve, la SEDE Veolia améliore les opérations de valorisation des déchets grâce à l’IA et l’IoT.
Pour conclure, Caroline Chopinaud note que les entreprises ne sont pas assez sensibilisées à l’impact du numérique. Et quand elles sont conscientes de la nécessité d’agir, les entreprises ne savent pas comment adresser le problème, et quelles métriques utiliser pour calculer l’impact. Le Hub France IA travaille justement au référencement des retours d’expériences des participants des groupes de travail sur ce sujet. Affaire à suivre en 2022…