L’entreprise du 21ème siècle peut-elle se réinventer comme acteur du renouvellement sociétal ?
L’entreprise : lieu de réalisations et de projets, mais aussi de tensions ! Etre et agir en collectif demande une capacité de synchronisation pour absorber les nombreux aléas. Nous le savons tous pour l’avoir vécu : fonctionner ensemble est difficile.
Pour évacuer la difficulté, nous personnalisons bien souvent le problème : « X n’a pas bien fait son travail / ne sait ce qu’il veut ». Et si ce n’est pas de la faute de quelqu’un, on pourra toujours blâmer le processus.
L’analyse des causes systémiques
S’il peut y avoir une part de vérité dans cette “personnalisation du problème”, elle n’est souvent qu’un symptôme et rarement la cause profonde. Cette cause profonde, aussi dite systémique (parce que due au système dans lequel nous évoluons), est ce qui fait que nous agissons et construisons d’une certaine manière au sein de l’entreprise.
Si les tensions vécues sont d’origines systémiques, il faut pouvoir « voir le système » afin de le faire évoluer. Sans ce regard sur le système dans son ensemble, toute tentative de résolution retombera sans cesse dans les mêmes schémas de fonctionnement et les conséquences qui l’accompagnent.
Une remise en question collective
Enfin, personne n’étant capable seul de voir l’ensemble du système, développer ce regard doit se faire collectivement. Chacun apporte sa vue en fonction de son rôle, et la mise en commun « apaisée » est essentielle pour constituer une image cohérente. S’affranchir d’un egosystème (système basé sur la confrontation des égos de chacun) pour aller vers l’écosystème (mise en relation de chacun pour faire “écosystème”)
La théorie U proposée par Otto Sharmer, maître de conférence au MIT se donne comme ambition de répondre à cette question : comment peut-on « voir » le système et comment sentir et identifier les évolutions nécessaires ?
La théorie U est donc un ensemble de pratiques collectives riches et variées – une véritable technologie sociale – qui permet une transformation profonde, un renouvellement. Elle s’applique à tout système : l’économie, l’éducation, l’entreprise, le gouvernement…
Aujourd’hui , la Théorie U a essaimé un peu partout sur la planète et le nombre de personnes/collectifs le pratiquant augmente en permanence.
Quelques points notables sur le U
Le U est une pratique et nécessite un apprentissage avec des praticiens expérimentés. Il serait difficile d’expliquer l’ensemble des implications du U à l’échelle d’un article, néanmoins, nous avons souhaité zoomer sur certains aspects notables et inhabituels en entreprise. Ce n’est pas exhaustif mais voici les éléments qui nous semblent marquants :
Apprendre à écouter profondément est une des premières clés.
Bien souvent, nous n’écoutons que ce qui valide ce que nous croyons déjà – ce qui rend impossible toute évolution réelle.
Le U a cartographié 4 niveaux d’écoute et propose ainsi une grille progressive pour passer d’un stade à l’autre :
- premier stade, l’écoute automatique (je n’écoute que ce que je sais)
- second stade, l’écoute factuelle (je repère les faits qui ne collent pas avec ma vision des choses)
- troisième stade, l’écoute empathique (ressentir depuis le point de vue de l’autre)
- quatrième stade, l’écoute générative, qui est une écoute profonde et permet de co-créer de nouvelles choses ensemble.
Agathe Peltereau-Villeneuve, praticienne du U qui nous accompagne depuis plusieurs mois, vous explique tout cela dans la vidéo ci-dessous :
Certaines des pratiques peuvent inclure le corps
Ce qui peut surprendre, voire déranger tant nous sommes habitués à nous focaliser sur l’esprit. Or si nous ne fonctionnons qu’au niveau mental, alors tout ce que nous percevons risque de passer au filtre de ce que nous savons déjà – avec les mêmes concepts. La nouveauté a donc plus de mal à émerger ainsi.
Le corps est un “outil” qui permet de capter ce qui est en train d’émerger : on est souvent plus créatif en étant en mouvement qu’en restant statique. Et tout l’enjeu est de décaler ce moment entre la perception (physique ) et sa traduction en idées.
L’état de presencing
Le U, ou plutôt le bas du U implique d’expérimenter un état dit de presencing (présence) – un état où on n’est pas dans la réalisation, mais où on laisse résonner en soi ce qui a été partagé.
L’objectif de cette pratique est de laisser se déposer en soi tout ce qui a été exprimé sur le système par le collectif. Cette étape est fondamentale pour intégrer l’ensemble et ainsi sentir où se situe le potentiel d’action.
Quelle est l’intention ?
Un dernier point, sans doute le plus inhabituel: le U nous amène à nous connecter à l’intention profonde du projet de l’entreprise. Et c’est sans doute l’aspect le plus difficile à mettre en oeuvre car le 20ème siècle nous a offert un seul critère d’évaluation et finalement une seule intention : le critère financier. Dépasser et élargir l’horizon de l’entreprise est certainement un des grands chantiers du monde des entreprises et ainsi devenir un acteur du renouvellement sociétal plutôt qu’un frein.
Cette dernière raison est celle pour laquelle nous avons candidaté au programme ULab2X afin d’explorer cette tension et prototyper des actions concrètes accompagné par Agathe Peltereau-Villeneuve et Mia Boutemy.
Le U Lab2X 2020 : from prototyp to eco-system impact
Le Ulab2X est un programme mondial qui a démarré en février dernier. 261 équipes, soit plus de 1000 participants contribuent pour l’année 2020.
Chaque équipe travaille sur un thème dans sa catégorie, la nôtre étant le monde de l’entreprise. Le sujet que nous avons choisi d’explorer est l’entreprise du 21ème siècle : comment impulser un changement vers des nouvelles pratiques alors que les critères d’évaluation sont essentiellement liés à la performance financière ? Le programme se termine fin juin, nous vous tiendrons au courant de notre progression dans cette réflexion et des prototypes auxquels nous aurons abouti.
D’ici là, voici deux liens si vous souhaitez en savoir plus sur le U :