L’IT et l’art ont-ils des langages si différents ?
Cet article fait suite à « L’art en entreprise, source d’apprentissage et d’inspiration » , lors de l’installation d’Ivan et de son atelier dans nos locaux. Il présente le point de vue d’Ivan.
Les consultants informatiques et l’artiste peintre ont-ils des langages si différents ? Prenons ce tampon que j’ai gravé dans une gomme avec une gouge de linogravure. Voilà le plus basique des outils d’impression, outil qui permet de reproduire une image, une lettre ou un mot. Je suis bien dans la sobriété.
Le code est mouvement
Mais ce simple outil me questionne d’emblée sur l’unique et le multiple ? Sur la nécessité de reproduire : fais-je cela pour partager mes découvertes ? Pour diffuser un message ? Pour accumuler des images ? Mettons-nous en mouvement car il n’y a pas de créativité sans mouvement. Le mouvement c’est la vie. Je n’ai pas à réfléchir, ma mémoire et l’usage me disent que je dois encrer le tampon et l’appliquer sur cette feuille, alors je tamponne.
Plaisir de voir cette image réalisée d’un seul coup de pouce sur la feuille. J’ai volontairement choisi une forme abstraite pour ne pas avoir à travailler sur le sens. Voici donc un signe. C’est du CODE visuel. Mon cerveau reptilien qui fonctionne de façon reflex et mon cerveau limbique qui fonctionne avec mes émotions et ma mémoire, fabriquent de la continuité pour me rassurer : il me disent de répéter aussitôt ce geste car j’aurai un plaisir renouvelé à reproduire une image à l’identique. Alors j’encre à nouveau, et je tamponne.
Hacker l’outil
Mon nouveau cerveau, ou neocortex, me dit alors “Si tu continues à tamponner, ça va être très agréable et rassurant, mais cet outil va t’ennuyer et une partie de toi va s’endormir (mourir ?) dans ce confort de la répétition”.
Surgit alors la question « Et si je ne faisais pas selon l’usage? » , « Et si je tamponnais sans réencrer préalablement ? Très intéressant, cela me donne le même signe en gris ». « Et si je faisais se chevaucher le signe noir et le signe gris ? Super, voilà une ombre portée ! »
Et si j’effectuais une rotation à 180 degrés de cet outil ? Ah ! cela donne une symétrie ! Des lignes de code apparaissent et une architecture sans but surgit sous mes yeux. Mais je m’aperçois que mon tampon fonctionne comme un moule à briques. Comment faire pour sortir du moule avec un outil donné ? Puis-je le détourner de sa fonction ? Puis-je le hacker ?
Observer le contexte
Repartons de l’observation attentive du contexte : je suis libre de toute autorité et je dispose d’une gomme souple couverte d’encre, je dois donc pouvoir dessiner avec …? Je ne maîtrise pas ce que je vais faire, mais le risque n’est pas grand…
Et puis c’est ludique car la difficulté va introduire du hasard qui va m’entraîner sur de nouveaux chemins insoupçonnés. Je tortille la gomme en tout sens sur le papier, étale l’encre tout en la gommant et naissent sous ma main des glissements, des dérapages, des accents, des changements de direction qui deviennent aussitôt des personnages, des arbres ou des architectures.
Puis des liens inconscients se font dans mon cerveau avec d’autres travaux en cours (un clip dessiné pour le groupe KRIILL) et surgissent des fourmis ! Quelle découverte ! Cela fait trente ans que je fabrique des tampons et je n’avais jamais tenté cela. Bon il n’est pas sûr que cela fasse du bien à mes tampons !? Qu’à cela ne tienne, j’en fabriquerai d’autres !