Engie IT : les enjeux RH de la transformation Cloud
Engagé depuis 2015 dans une stratégie Cloud First, Engie IT a lancé fin 2018 un large programme de sensibilisation et de formation pour généraliser la transformation Cloud à l’ensemble de ses métiers. Cette initiative a été menée conjointement par les départements IT et RH d’Engie IT. Annie Mendy, en charge de la formation, nous présente les grandes lignes de ce projet à travers la Cloud Academy et la création d’une Communauté Cloud Engie IT.
Annie Mendy est en charge des sujets de formation au sein d’Engie IT depuis 2013. Convaincue qu’il devient nécessaire de développer des nouveaux modes d’apprentissages basés sur l’échange et la pratique, en plus de l’aspect théorique, Annie a initié un nouveau format d’apprentissage dans le cadre de l’accélération d’Engie IT vers le Cloud public.
Peux-tu présenter le contexte de la Cloud Academy ?
Comme de nombreuses entreprises, nous étions challengés pour accélérer le time to market et permettre à nos métiers d’innover plus vite. Nous avons choisi le Cloud, c’est un choix qui impacte toute l’entreprise au delà des aspects techniques. Le Cloud soulève des enjeux d’apprentissage et d’organisation, pour y répondre nous devions créer un nouveau mode d’apprentissage et casser les silos.
Afin d’inclure le plus grand nombre de collaborateurs, concernés directement ou indirectement par le Cloud, nous avons d’abord mené une phase de sensibilisation autour des enjeux de ce changement technologique pour Engie. La Cloud Academy est un programme de formation à grande échelle, qui s’appuie sur un programme de formations, et sur la création d’une communauté Cloud, afin de mettre en place les conditions de l’apprentissage continu et faciliter le partage du savoir.
Comment vois-tu la communauté ?
C’est un nouvel espace transversal, dans lequel on entre sans sa casquette de manager ou de chef de projet, mais simplement avec ses qualités personnelles, et l’envie d’apprendre et de partager. Nous ne sommes pas dans un rapport classique d’apprentissage, avec un sachant et des apprenants. Le partage et l’échange se font dans les deux sens, sans posture hiérarchique. La communauté laisse de côté l’organisation telle qu’on la connaît, c’est un espace qui permet d’apprendre à son rythme, d’avoir du temps à soi, de réseauter, et de nouer de nouvelles relations avec des collègues que l’on connaît peu. On peut ainsi découvrir des collègues avec qui on travaille au quotidien mais que l’on ne connaît pas vraiment. On en sort grandi, avec de nouvelles connaissances à partager ensuite avec d’autres.
Ce apprentissage va au-delà des compétences techniques?
J’ai beaucoup échangé avec les formateurs et tous le disent, il y a certes la technique mais sur le Cloud on apprend avant tout une nouvelle façon de travailler. Il est possible de suivre une formation sur le Cloud même si on n’est pas dans l’IT, parce que l’objectif est de comprendre comment évoluer pour travailler au mieux dans ce nouveau cadre technologique. Le Cloud demande notamment des soft skills orientées autour du partage et de la transmission, qui aident à apprendre plus rapidement et acquérir des connaissances Cloud plus vite. Tout le monde peut le faire, dès lors qu’il y a l’ouverture d’esprit.
Comment la communauté est-elle construite ?
Nous n’en sommes encore qu’aux débuts. Nous avons pris le parti de faire construire la communauté par chacun des participants, nous voulons leur donner les moyens d’apprendre, et pour cela nous les accompagnons pour exprimer leur vision d’une communauté et la construire ensemble. L’organisation de la communauté, les modalités d’apprentissage, le rythme, les règles… nous n’avons pas de feuille de route prédéfinie par la direction, tout cela est co-construit par les participants, afin de susciter l’engagement. L’implication est bien meilleure que si on construisait la communauté à leur place : cet engagement est indispensable pour inscrire le projet dans la durée.
Quel bilan tire-tu des 6 mois passés depuis le lancement des Cloud Sharing Days et de la Cloud Academy ?
Quand nous avons initié cette démarche, j’ai très vite perçu la difficulté du changement au niveau individuel. Il s’agit d’une vraie transformation, donc nous avons conscience que cela prend du temps et que cela demande de la persévérance. C’est pour cela qu’il faut animer, montrer l’envie des gens pour le changement, parce qu’il y a un intérêt pour les collaborateurs, pour Engie IT, pour le groupe. Nos collaborateurs vont pouvoir apprendre différemment, et ce qu’ils apprendront ils pourront le dupliquer sur d’autres technologies, car ces compétences acquises sont transverses et permettent d’apprendre plus facilement d’autres technologies par la suite.
Dès le démarrage de la phase de sensibilisation, nous avons touché un large groupe de collaborateurs. Cette nouvelle orientation a été comprise et adoptée, donc on peut dire que le pari est gagné. Dans cet enjeu de transformation, avoir le soutien et le sponsor du management a été un facteur déterminant pour susciter l’adhésion. Aujourd’hui notre challenge est de tenir les promesses et d’accompagner au mieux pour que chaque fonction y trouve son intérêt, du chef de projet au contrôleur de gestion en passant par l’expert qui travaille au quotidien sur le Cloud. Tous doivent pouvoir apporter leur brique dans cette construction, et en retour y trouver leur compte, en ressortir grandis et avec de nouvelles compétences.
En quoi est-ce un challenge de mener un programme de transformation à cette échelle ?
Nous nous adressons à des populations très différentes en termes de maturité technologique. C’est pour cette raison que nous proposons aux collaborateurs de co-construire la communauté. Nous proposons un cadre ouvert à tous, y compris les externes qui sont partie intégrante de ces projets. Tout le monde peut s’exprimer et partager sa vision, et nous donnons les moyens pour concrétiser le développement des compétences, quel que soit le parcours du collaborateur. Cette approche a permis de lever des freins, notamment pour les fonctions support qui n’avaient pas de connaissance du Cloud. Ils sont les mieux placés pour nous dire ce dont ils ont besoin, pour que nous puissions construire des outils adaptés à leur métier. En fait, il n’y a pas de dichotomie entre les populations, il faut simplement trouver les outils les plus adaptés et le bon timing pour chacun.
Personnellement, comment as tu vecu la transformation ?
Cela a complètement changé ma façon d’être et de travailler. La fonction de responsable formation a beaucoup évolué. En France, il y avait beaucoup d’attentes sur l’investissement financier dans la formation, mais aujourd’hui l’enjeu se porte sur le ROI : comment s’assurer que la formation a aidé le collaborateur dans le développement de ses compétences ? Est-ce que les connaissances acquises ont été mises en pratique ? Les responsables de formation sont maintenant attendus sur l’employabilité, et l’adéquation entre les compétences nécessaires au poste. L’IT étant un domaine où le marché et les besoins en compétences évoluent très vite, cela demande aux responsables de formation d’adopter une nouvelle attitude. Les sujets ne sont pas uniquement techniques, il faut aussi travailler sur tout ce qui permet de développer des nouvelles compétences plus rapidement. En d’autres termes, apprendre à apprendre, devenir agile. De nombreux outils d’apprentissages sont disponibles, mais ils ne sont pas toujours utilisés à bon escient. On a beaucoup parlé des MOOC par exemple, mais l’ingénierie pédagogique doit avant tout viser à une adéquation des outils et des moments d’apprentissage, s’assurer que le collaborateur apprenne les bonnes compétences au bon moment. Enfin, cet accompagnement doit se faire avec plus de proximité, de façon à suivre le collaborateurs dans ses projets professionnels.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Notre objectif est maintenant de faire vivre la communauté, de la faire grandir autour d’un noyau dur constitué des collaborateurs les plus moteurs. Ils vont endosser différents rôles, comme animateur ou formateurs, qui sont très différents de leurs missions au quotidien, mais complémentaires. Cela va leur permettre de développer d’autres compétences, des soft skills notamment. Nous voulons que la communauté vienne en complément des formations classiques. Chercher de l’aide auprès de la communauté doit devenir un réflexe : qu’il soit identifié comme sachant ou non, un de mes pairs a peut-être la réponse à ma question. Nous voulons créer des réflexes d’échange et de partage.
Quelle a été la valeur ajoutée de l’accompagnement de D2SI?
D2SI a accompagné de nombreuses entreprises dans cette transformation, et pouvoir bénéficier de cette expérience nous a été très utile. Nous avons eu des retours d’expérience concrets sur ce qui a fonctionné, et sur ce qui a moins bien marché. Quand on se lance dans quelque chose de nouveau, pouvoir bénéficier de bonnes pratiques éprouvées permet d’avancer rapidement. D2SI nous a beaucoup apporté sur ce point, en nous apportant des compétences transverses que nous essayons de développer en interne : l’accompagnement, la capacité à communiquer vers des publics très différents. Nous intégrons tout le monde dans cette transformation, mais on ne communique pas de la même façon aux fonctions support qu’à des ingénieurs IT. Il est important d’insister sur la pédagogie, de comprendre les besoins de chaque public, et de pouvoir proposer des retours d’expérience adaptés