Ce que le choix du lieu de déjeuner nous enseigne sur les décisions architecturales dans l’IT
Ci-dessous, un document que certains consultants de D2SI ont déjà pu lire en farfouillant sur les éléments publics de mon Google Drive, remanié pour un article.
En tant que consultant en mission, on est rarement seul, et donc on déjeune avec nos collègues : clients ou prestataires. Souvent, il arrive alors de devoir choisir le lieu où se restaurer, qui peut se résumer en : cantine, sandwich, ou restaurant, la dernière option se déclinant en classique simili-japonais ou italien ou indien.
Autant de choix différents qui ont tous leurs contraintes : distance, prix et bien sûr nourriture. À ceci s’ajoute les contraintes individuelles comme des préférences alimentaires, ne pas manger la même chose deux jours de suite ou alors avoir une réunion l’après midi empêchant de prendre une trop grande pause.
Je ne vais pas vous détailler comment faire « le bon choix » parce qu’au final, chacune de ces solutions est relativement équivalente: elle permet de se nourrir, et aucune des contraintes que chacun de ces choix pour ne constitue un « no go », à part en cas d’allergie, mais ce paramètre sera exclu de la réflexion afin de la simplifier. Ce qui est intéressant ici c’est le processus de décision, car au final une décision est prise, et elle est contrainte par un horaire à respecter : le midi. Un peu comme un projet informatique.
Alors vous allez me dire “oui mais alors, Nicolas tu es encore parti dans un délire accentué par l’hypoglycémie de 11h, mange un snickers ça ira mieux”. Ce n’est pas tout à fait faux, mais poursuivons si vous le voulez bien.
Il y a globalement deux manières d’arriver à une décision sur le lieu de déjeuner :
- Le vote (soumis a un délai de réponse)
- La décision arbitraire (argumentée ou non) demandant aux autres de suivre
Prenons en premier le vote. Il s’agit d’une décision démocratique, qui ravira les fers de lance de la démocratie participative, mais cette méthode est relativement inefficace, voici pourquoi :
- Le vote, même sur slack c’est long. Il faut du temps pour notifier les personnes du vote et attendre les réponses.
- Le vote engendre de la frustration lorsqu’il n’y a pas unanimité, et c’est fréquent.
- Lorsque deux groupes de taille équivalente se forment sur des choix différents, aucune décision ne peut être prise, et souvent le groupe éclate en deux (le temps du midi).
- Il y aura toujours quelqu’un pour ne pas voter mais râler quand même.
- Il y aura toujours quelqu’un qui rajoute des options non prévues dans le vote initial et éparpille les voix.
Bref, c’est pas ouf. Et si dans un projet informatique vous en faites l’expérience, vous verrez que si vous demandez leur avis aux gens sur des décisions d’architecture technologiques, vous tomberez dans ces travers.
Passons désormais à la décision arbitraire :
- C’est rapide : les gens se positionnent immédiatement en adhérence ou en rejet de celle-ci.
- Souvent, les gens suivent parce qu’ils ne se posent pas de questions, et ce choix « ne leur déplaît pas ». Beaucoup de personnes n’ont juste « pas d’avis ».
- Si un groupe de mécontents se forme, le fait d’avoir un ennemi commun (vous) renforce l’équipe et lui permet d’être davantage sûr de son choix antagoniste au vôtre, et alors la décision inverse sera prise, mais elle sera prise rapidement.
- Personne ne râle qu’il n’a pas eu le temps de voter.
- Plus d’abstention ni éparpillement des voix.
- Respect des délais absolu : quand on dit qu’on y va, on y va.
A bien des égards, la décision unilatérale est un choix privilégié. Une étude sociale auprès de mes collègues ayant été réalisée, celle-ci montre que dans la majorité des cas le groupe reste plus soudé, et si il y a des mouvements indépendantistes ils sont plus limités (seule une ou deux personne quitte le groupe pour manger ailleurs).
Alors, la décision unilatérale serait-elle le meilleur vecteur de choix pour les transitions architecturales ? Il serait facétieux de le suggérer. Après tout, si le délai est respecté, que l’adhésion à la décision est plus forte et que la décision induite ne marche pas plus mal qu’un autre choix, pourquoi s’en priver ?
L’enjeu des recrutements d’architectes techniques serait-il d’attirer avant tout des personnes à fort leadership ? C’est au lecteur de juger.
Allez, c’est l’heure de manger…(une pizza ?)