Biais cognitifs : pourquoi votre cerveau vous ment ?
Avez-vous déjà été bloqué dans votre prise de décision, sans savoir pourquoi ? La vie d’entreprise inclut une part importante de facteur humain, et donc de subjectivité. Notamment dans les ressources humaines, où nous sommes amenés à faire du recrutement, du suivi, de la formation, du coaching. Étant donné l’importance de ces sujets et de la qualité du recrutement pour toute entreprise, nous cherchons toujours à prendre les meilleures décisions possibles. Et pourtant, notre cerveau ne nous aide pas toujours dans cette démarche, au contraire il nous trompe ! Dans cet article, nous verrons comment les biais cognitifs peuvent influencer nos décisions, et comment prendre de meilleures décisions en apprenant à les identifier.
Tout à commencé lors d’un débrief de notre journée avec Elise. Je lui racontais ma rencontre avec un candidat : impossible de me positionner, d’avoir un avis clair et de décider si nous devions le recruter ou pas, malgré ses bons résultats aux tests techniques. Au premier abord, il semblait être le candidat idéal: il ne manquait pas d’assurance, avait multiplié les expériences et donnait l’impression de répondre à nos critères . Mais j’avais l’intuition que quelque chose clochait, et cela m’empêchait de prendre une décision.
Elise m’a alors parlé du phénomène d’ego depletion, abordé dans cet article. Avais-je pris trop de décisions dans la journée, saturant ainsi ma capacité de prise de décision ?
En vérité, ce n’était pas le cas. J’avais juste l’impression d’être victime d’une illusion d’optique, comme si une partie des éléments étaient masqués, comme si mon cerveau me mettait en garde contre cette personne. Devais-je suivre mon intuition et ne pas donner suite, ou bien considérer les faits présentés qui somme toute étaient élogieux ? Quelle importance accorder à mon intuition ? Était-elle source d’erreur, ou au contraire m’aidait-elle à avoir un jugement plus fin sur la situation ? J’étais tiraillée entre les différents messages envoyés par mon cerveau, sous influence des biais cognitifs.
En fonction de notre histoire, de nos croyances ou encore de notre humeur du moment, notre cerveau prend des raccourcis. C’est ce qu’on appelle les biais cognitifs. Plutôt que s’attacher à lister tous les biais qui existent (il y en a plus de 170 !), j’ai préféré essayer de comprendre ce qui amène notre cerveau à tomber dans ces pièges…
Dans un excellent article que je vous recommande (Cognitive bias cheat sheet by Buster Benson), on découvre que ces biais cognitifs ont une utilité car ils nous aident à faire face à des difficultés auxquelles nous sommes confrontés au quotidien. Buster Benson distingue 4 problèmes majeurs :
- Nous avons trop d’informations à (di)gérer : les biais agissent comme un filtre
- Exemple de biais cognitif
- Biais de confirmation d’hypothèse : nous retenons les informations qui vont confirmer des hypothèses que nous avons émises par le passé ou les croyances que nous avons. Nous considérons peu ou pas les alternatives qui s’en éloignent.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- Le candidat avait déjà travaillé pour 2 concurrents, j’ai présumé qu’il correspondait forcément à la culture de D2SI. J’ai donc surtout posé des questions qui me renforçaient dans mes convictions.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- Le manque d’information est déroutant car il nous empêche de construire une pensée cohérente : les biais suppléent aux informations manquantes
- Exemple de biais cognitif
- Les stéréotypes : nous formons des généralités qui ne reflètent pas toujours la réalité sur un groupe de personnes. Nous complétons les informations manquantes sur une personne avec la généralité que nous avons conçue sur le groupe auquel cette personne appartient.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- Il est diplômé de cette école d’ingénieur, par conséquent il doit être brillant.
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Pour maximiser nos chances, nous devons agir rapidement : les biais nous obligent à prendre des conclusions hâtives
- Exemple de biais cognitif:
- L’effet d’ambiguïté : nous avons une propension à choisir les options pour lesquels nous avons des éléments favorables plutôt qu’une option pour laquelle nous manquons d’informations.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- Lors d’un recrutement, l’effet d’ambiguïté amène à privilégier un candidat dont les compétences sont moyennes, mais connues, plutôt qu’un candidat dont on ne les connait pas.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- Pour continuer de travailler de manière efficace, notre cerveau doit trier les informations qu’il garde en mémoire : les biais agissent comme mémoire sélective en gardant uniquement les informations qu’on pense utiles pour le futur.
- Exemple de biais cognitif
- L’effet de récence est le fait de se souvenir plus facilement des derniers éléments entendus.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
- En raccompagnant le candidat, j’ai découvert que nous partions chaque années en vacances au même endroit, et je me suis surtout souvenu de ce moment où nous avons sympathisé.
- Dans l’exemple de la situation de recrutement
Mais ces solutions à nos problèmes sont des problèmes en soi :
- Certaines informations que nous filtrons peuvent se révéler utiles et importantes dans la prise de décision.
- Notre quête de sens nous amène parfois à imaginer des détails qui reposent sur des suppositions qui ne sont pas réelles.
- Les décisions rapides sont loin d’être infaillibles. Elles peuvent se révéler injustes, intéressées ou encore contre-productives.
- Notre mémoire renforce les erreurs. Les informations mémorisées de manière sélective vont venir biaiser encore davantage les processus liés au surplus d’information (en alimentant notre filtre avec des informations incomplètes) et au manque d’information (ce sont les informations retenues qui viendront en premier combler le manque d’information).
Analyser cette rencontre sous l’angle des biais cognitifs m’a permis d’y voir plus clair. La candidat pouvait être bon dans l’absolu, mais il ne reflétait ni les valeurs, ni la culture de mon entreprise.
En fait, piégée par mes biais, je n’avais pas assez creusé l’entretien et je manquais donc d’informations factuelles pour prendre une bonne décision. Par chance, il avait travaillé en collaboration avec plusieurs collaborateurs qui m’ont confirmé qu’il présentait bien mais qu’il n’avait pas les valeurs ni les compétences que nous recherchons chez D2SI.
Chacun de nous, que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle, est amené à prendre des décisions sous l’effet de biais cognitifs. Prendre conscience que nous sommes constamment biaisés est déjà en soit un amélioration : cela nous permet d’identifier les moments où nous avons recours à ces “raccourcis de la pensée”. C’est un premier pas vers la désautomatisation de l’esprit et cela nous permet d’être pleinement conscient que notre cerveau n’est pas toujours fiable.
Afin d’illustrer ce sujet, Elise et moi avons souhaité créer une expérience grandeur nature lors du TIAD. Nous vous en parlerons dans un prochain article !