Blockchain, DAO, Smart contracts : une nouvelle révolution est en marche
Imaginez une société décentralisée, autonome, sécurisée et totalement transparente, dont les comptes sont publics. C’est ce que propose la DAO (Organisation Autonome Décentralisée), qui s’appuie sur la technologie Blockchain, le protocole connu pour supporter le Bitcoin. Des contrats entre particuliers à la structure même de l’entreprise telle qu’elle est établie depuis plus de trois siècles, la DAO pourrait bien révolutionner l’économie et le mode de fonctionnement de nos sociétés.
Nous avons évoqué récemment la technologie blockchain à travers l’exemple du Bitcoin. Parmi ses promesses, le fait de rendre l’historique inviolable, de façon totalement décentralisée et autonome, est ce qui a séduit pour la conception des nouvelles monnaies cryptographiques. Ce principe est mis en application depuis plus de sept années maintenant avec le succès croissant du Bitcoin mais également des nombreuses autres monnaies alternatives. Pourtant, cette technologie est loin d’avoir réalisé tout son potentiel. En effet, l’historique protégé peut contenir bien plus que des transactions et c’est un tout nouveau champ des possibles qui est en train d’être exploré.
Parmi les domaines exploitables par le blockchain, on trouve pêle-mêle le stockage et l’échange de documents (hypothèque, permis, casier judiciaire, identité, dossier médical, arbre généalogique…), de certificats (diplôme, brevet, licence, preuve d’authenticité ou de paternité…), ou la mise en place de contrats (testaments, séquestres, smart contracts…). Si l’utilisation de le blockchain pour la monnaie était déjà innovante par l’abandon pur et simple de toute autorité centrale, son exploitation dans le cadre des DAO est d’un tout autre niveau.
Je m’explique. Le blockchain a été conçue à la base pour stocker l’historique des transactions dans le cas du bitcoin sans possibilité de modification ultérieure. Mais il est également possible de « graver dans le marbre » les termes d’un contrat par exemple. La signature numérique valant, comme dans le cas papier, pour engagement de la partie. Et pourquoi se limiter au stockage des termes ? Les différentes clauses du contrat peuvent même s’exécuter automatiquement quand les conditions se réalisent. Prenons le cas de l’assurance par exemple. Le déblocage de l’aide en cas de sinistre devient automatique, sans délai, sans intervention d’une autorité centrale, sans nécessité de recours, sans paperasse. C’est ce qu’on appelle le smart contract, ou contrat intelligent : un programme prévu pour exécuter automatiquement les conditions et termes d’un contrat, de façon autonome et sans intervention humaine. Et ce n’est qu’une des utilisations possibles.
« On the blockchain, nobody knows you’re a fridge. » Richard Gendal Brown
Dans le contexte de la location, comme l’identité d’un compte sur le blockchain ne dépend que d’une clef, n’importe quelle entité peut générer des smart contracts. Un locataire peut passer un contrat directement avec une voiture ou un appartement, sans passer par aucune autorité simplement en passant son téléphone devant la serrure. Le contrat se crée automatiquement si toutes les conditions sont remplies (bien et fonds disponibles par exemple). Après l’uberisation qui a décentralisé le réseau, on passe véritablement sur une structure distribuée dans laquelle même le dernier intermédiaire est évincé. C’est déjà une réalité : à Brooklyn, les habitants échangent de l’énergie solaire grâce au blockchain.
Poussons le principe encore plus loin. Le blockchain est un excellent support de la démocratie. C’est même le cas de base proposé par Ethereum. Chaque participant peut faire une proposition qui est acceptée ou non si les votes positifs sont suffisants. Le cadre de l’organisation, les propositions possibles, peuvent être définis initialement ou même évoluer à partir des propositions au sein même du groupe. L’implémentation du Bitcoin fait l’objet en ce moment même d’une campagne on ne peut plus démocratique par rapport à la limite en taille du bloc : les différentes implémentations coexistent et ne survivra que celle qui réussira à dominer en puissance de calcul, puisque ce sera celle résoudra le plus de blocs.
Et dans le cas de l’entreprise ? L’utilisation des smart contracts permet de rémunérer le travail de manière beaucoup plus claire. Le paiement est automatique dès l’instant que la production remplit les conditions requises et la définition de paiements intermédiaires est toute naturelle dans cette optique. Mieux encore, le cadre même de l’entreprise peut être directement et entièrement défini via le blockchain au niveau de sa stratégie, ses besoins, sa rémunération, … L’entreprise est alors autonome puisqu’elle n’a plus besoin de ses créateurs, transparente car sa politique et son activité sont publiques et auditables, incorruptible car, eh bien, c’est une machine, auto-régulée grâce à ses propres règles, sécurisée grâce à sa distribution à travers le réseau… Tout cela est rendu possible grâce à l’automatisation du code et son inviolabilité dans le blockchain.
Émerge alors un nouveau paradigme dit du : « code is law » dans lequel tout le système repose sur le code open source qui fait foi. La transparence et l’égalité sont remises sur le devant de la scène dans un espace aux nouvelles règles. Mais qui dit nouvelles règles dit aussi adaptation de la société. Encore plus qu’internet, le monde du blockchain est un nouveau monde à construire. Il peut apporter beaucoup, mais il peut également ramener la précarité du travail à la pièce. Ou encore la manipulation et la tyrannie de la note utilisateur qu’on trouve déjà sur Tripadvisor ou Uber. Aussi, l’identité réelle derrière un compte étant actuellement difficile à vérifier, il faut savoir si on veut utiliser ce point en tant que feature ou si on veut s’en prémunir pour éviter les attaques Sybille. Par ailleurs, le monde du blockchain demandant de manipuler des concepts cryptographiques, il n’est pas forcément encore évident d’adopter les bonnes pratiques de sécurité.
C’est pourquoi il est nécessaire de définir ce qu’on attend du blockchain et des DAO. Le temps est à l’exploration et la réflexion et c’est maintenant qu’il faut définir les standards de ce nouvel univers. C’est un espace qu’il est à nous de construire.