Nouveaux modèles d’entreprises: la collaboration, moteur de la compétitivité?
Libérer l’entreprise, une tendance de fond ? Qu’il s’agisse de transformation managériale, de dé-hiérarchisation ou d’holacratie, l’entreprise cherche aujourd’hui de nouveaux modèles, tant pour améliorer l’engagement de ses collaborateurs que sa compétitivité. Christine Ebadi, en charge de D2SI Icelab, nous livre ici son point de vue sur cette évolution : pourquoi la structure pyramidale d’entreprise est-elle remise en cause? Quels seront les moteurs de l’entreprise de demain ?
Peux-tu présenter ton parcours ?
J’ai travaillé 20 ans dans la banque dont 16 ans pour la salle des marchés. J’ai l’expérience de deux métiers, développement et infrastructure, ce qui m’a donné une vision assez complète de l’IT en banque d’investissement. Au fur et à mesure de mon évolution j’ai géré des équipes internationales de plus en plus importantes, j’ai eu en charge des programmes complexes. Ma dernière équipe était composée de plusieurs centaines de personnes incluant du personnel de la banque, de nombreux prestataires et de nombreux forfaits.
Pourquoi avoir quitté le confort supposé et le prestige d’un grand groupe pour une petite structure ?
C’est un ensemble de raisons pour l’essentiel inhérentes à la structure même d’un grand groupe. Le poids de la bureaucratie et des processus de décisions, les incessantes réorganisations et le manque de confiance entre les individus, tout cela faisait qu’il devenait très difficile de faire avancer les sujets. C’était une situation paradoxale où j’avais atteint un niveau hiérarchique élevé, mais où mon pouvoir d’action était finalement très réduit. À passer son temps à se battre contre l’organisation, on perd le sens des choses. Finalement, j’ai compris que c’était ce type d’organisation à structure pyramidale qui était en cause, cette culture de la hiérarchie que l’on trouve dans de nombreuses grandes entreprises françaises. Cela crée un contexte où il devient impossible d’innover.
Cependant une structure en pyramide n’est-elle pas à même de garantir l’efficacité de l’organisation ?
Ce qui était vrai dans un contexte prévisible ne l’est plus du tout. C’est une façon de travailler qui générait auparavant de l’efficacité. Maintenant que le contexte est devenu imprévisible, ce modèle ne fonctionne plus. La structure pyramidale est née d’un contexte bien particulier, celui d’une production industrielle impliquant un ensemble de tâches répétitives et des cycles très stables. Dans ce contexte, les savoirs étaient très inégalement répartis. Aujourd’hui, les cycles sont beaucoup plus courts, nous obligeant à développer une pensée agile et fluide pour nous adapter à cette réalité changeante. Par ailleurs, beaucoup d’individus ont atteint un niveau d’éducation et de savoirs leur permettant d’être autonomes, et donc de se passer d’un chef au sens traditionnel du terme. Dans ce contexte, une structure pyramidale n’est plus une garantie d’efficacité, mais un frein, un carcan de plus en plus lourd à porter.
Partant de ce constat, quelles actions as-tu menées ? As-tu confronté ce point de vue à l’extérieur ?
J’ai tout d’abord rencontré des profils similaires issus d’autres banques, qui se trouvaient dans la même situation que moi. J’ai constaté que cette prise de conscience était partagée : je n’étais pas la seule à remettre en cause ce modèle d’organisation. J’ai alors pris une année sabbatique pour prendre du recul, sortir du quotidien, et me donner de l’espace pour réfléchir sur le sujet. J’ai beaucoup lu, j’ai fait de nombreuses rencontres et ai assisté à des conférences. Je me suis tournée vers les milieux entrepreneuriaux, qui eux se remettent en question et évoluent à une vitesse folle. J’ai constaté que beaucoup de personnes réfléchissaient, et surtout testaient de nouveaux modèles d’organisation d’entreprise.
Comment fonctionnent ces nouveaux modèles ?
Ce qui m’a frappé, c’est que les nouveaux modèles testés mettaient l’emphase sur l’échange et la collaboration. Ce sont les marqueurs d’un changement de société : nous passons d’une société industrielle à une société de la connaissance. En partageant et en recevant du savoir, chacun d’entre nous s’enrichit.
Est-ce l’émergence d’un nouveau modèle d’entreprise ?
Oui, il s’agit de donner le cadre qui permette d’organiser de nouvelles formes de partage, de formation et d’échange. Mais cela suppose d’abandonner les modèles managériaux du 20ème siècle, de s’abstraire de ce que j’appelle la taxe de management, pour développer le leadership et l’esprit d’entreprenariat. Les petites structures sont plus à même d’opérer ces transformations, à condition qu’elles soient agiles et rapides, capables de se remettre en question et ouvertes vers l’extérieur. In fine, il s’agit de contribuer à l’écosystème dans sa globalité, et pas seulement pour l’économie.
Suite à cette démarche, qu’as-tu entrepris ?
J’ai créé ma structure dans l’entreprenariat social, Social 3.0. Dans ce cadre, je fédère une communauté d’acteurs autour d’entrepreneurs sociaux. Et c’est ainsi que j’ai rencontré D2SI.
Avec le recul, est-ce que ce projet répond à tes aspirations ?
J’avais besoin de projets qui aient du sens, qui impliquent l’humain, où l’on privilégie les échanges, avec en toile de fond une véritable réflexion économique, sociale, culturelle. J’y ai trouvé un contexte favorable à l’innovation et à l’expérimentation. Pour concrétiser une idée, je n’ai pas à me battre contre le système. Je crois vraiment que plus on collabore, plus on devient compétitif, et que dans ce cadre, le leadership n’est plus une question d’autorité, mais de compétences et de légitimité sur un sujet donné. Potentiellement, demain nous serons tous des leaders.