Interview de Bruno Chassagne : quelles méthodologies de projet pour favoriser l’innovation?
Doit-on continuer à évaluer la valeur d’un projet informatique uniquement à travers des indicateurs fixes de coûts et de délais ? Comment mesurer son apport réel à l’entreprise, ses bénéfices sur le plan humain, sa maintenabilité et sa performance ? Quid de la pérennité de l’application après sa livraison ? Parce que nous pensons que les produits doivent évoluer en même temps que les besoins, nous préconisons des approches délivrant de la valeur ajoutée en quasi-continu. Cela passe par de nouvelles méthodes de conception plus aptes à offrir la flexibilité face au changement et à faciliter la communication entre les parties prenantes.
Bruno Chassagne est expert en méthodologies de développement logiciel. Ingénieur de formation, il a fait ses premières armes en tant que développeur .NET dans des banques de finance et d’investissement. Lors de sa dernière mission, il a apporté les approches Scrum et Kanban : suite à cette expérience, BNP Paribas CIB lui a proposé une mission de conseil Lean et Agile. Il travaille aujourd’hui sur les processus de groupe, ainsi que le partage des outils et des bonnes pratiques.
Selon toi, quels sont les enjeux de la démarche d’Innovation Responsable ?
Je vois dans cette démarche trois enjeux essentiels : un fort potentiel de différenciation par rapport à notre secteur d’activité, une opportunité de faire évoluer les méthodes actuelles de gestion d’équipes et de projets et un contexte favorable pour développer les leviers réels de l’innovation.
Comment créer un contexte favorable à l’innovation ?
L’innovation naît de l’expérience, du hasard et surtout d’un contexte favorable : il faut disposer de temps et de soutien. Chez D2SI, nous disposons d’un pool de 200 journées à partager pour que chaque collaborateur puisse se consacrer à des projets innovants en parallèle de sa mission. Nous travaillons à améliorer cette approche en donnant à ces projets une meilleure visibilité. Et pourquoi ne pas ouvrir ces journées à un contexte de réflexion plus large, non lié à un projet ? De quoi donner le temps à l’innovation de germer dans nos esprits.
Quels sont les défis par rapport aux méthodologies de projets ?
En matière de gestion d’équipes et de projets, il a été démontré que les approches classiques génèrent stress et inefficacité dans la réponse aux besoins clients. Pourtant, les nouvelles méthodes comme Lean restent encore trop souvent associées à des pratiques inadaptées visant uniquement une réduction des coûts et un accroissement de la pression sur les salariés.
L’approche Lean n’est donc pas une méthode de réduction des coûts ?
Non, surtout pas. C’est un système complet de gestion de l’entreprise, reposant sur une démarche d’amélioration continue ainsi qu’un respect mutuel entre tous les acteurs de l’écosystème (collaborateurs, clients, fournisseurs, et même la Société au sens général). Lorsqu’une entreprise enclenche une transformation Lean, cela peut faire baisser certains coûts, mais le but premier demeure l’amélioration de l’entreprise afin de garantir sa survie à long-terme.
C’est une démarche complémentaire des méthodes Agile ?
Les méthodes Agile cherchent à rapprocher les développeurs du client et à raccourcir les cycles de développement. Cela permet d’augmenter la fréquence et la qualité des retours, et d’améliorer l’adéquation du produit avec le besoin utilisateur. Mais dans certaines sociétés ces méthodes ont pu être détournées, pour devenir un simple moyen de pression sur les équipes, à qui on demande de livrer plus vite.
Quelles sont les évolutions à prévoir selon toi ?
Aujourd’hui, nous souhaitons aider nos clients à mieux intégrer ces méthodologies sans distorsion. Par ailleurs, nous développons actuellement une approche que j’appellerais « post-agile ». Il s’agit d’aller au-delà de l’efficacité pour intégrer une dimension économique, telle que conseillée par Donald Reinertsen par exemple. Par exemple, prendre en compte les coûts liés aux retards ou à la taille des lots : cela permet de prendre les bonnes décisions, à la fois humainement et économiquement.
C’est une nouvelle façon de penser l’organisation du travail ?
Oui, d’une manière générale, confier plus de responsabilités et de liberté aux employés est une source de gains et de profitabilité pour l’entreprise. Cela passe également par l’amélioration de la collaboration au sein de la société. Au sein des services informatiques, cela pourra notamment se traduire par des démarches de type DevOps.